Source : http://leplus.nouvelobs.com/contributio ... uelle.htmlPeut-on faire de la politique après avoir été condamné pour agression sexuelle ?
Jacques Mahéas, sénateur et maire socialiste de Neuilly-sur-Marne (Seine-Saint-Denis), a été condamné, en mars 2010, pour agressions sexuelles contre une ex-employée municipale. En pleine affaire DSK, le PS se demande s'il doit toujours "appartenir" au parti.
La question se pose... depuis l'affaire DSK, bien sûr.
Les faits
Jacques Mahéas, sénateur et maire socialiste de Neuilly-sur-Marne (Seine-Saint-Denis), a été condamné, en mars 2010, pour agressions sexuelles contre une ex-employée municipale (les faits ont eu lieu en 2002), après une longue procédure judiciaire. Or, quinze mois après cette condamnation, après un an de mutisme, le Parti socialiste va réunir sa commission des conflits pour réfléchir à la question de son "appartenance" au parti.
En 2002, deux employées de la mairie de Neuilly-sur-Marne dénoncent des actes commis par Jacques Mahéas (baisers forcés, attouchements sur les seins et, ou, les fesses). L'une des deux femmes abandonne en cours de route, mais l'autre explique que le maire l'aurait harcelé pendant des mois, profitant de sa situation familiale précaire (elle disposait d'un logement de fonction qu'elle craignait de perdre) et de ses horaires tardifs (elle était terrorisée lorsqu'elle était d'astreinte le soir).
Jacques Mahéas est tout d'abord condamné le 26 juin 2008 par le tribunal correctionnel de Paris : quatre mois d'emprisonnement avec sursis et 35 000 euros de dommages et intérêts à sa victime. Il refuse la décision de justice et fait appel.
A l'audience du 10 juin 2009, il se déclare victime d'une "une vengeance personnelle" de la part d'une employée fragile psychologiquement qui se sent déconsidérée malgré de longues années au service de la mairie. Dans Le Monde.fr, Jacques Mahéas se dit même victime d'un "complot" mené par un élu local de gauche.
Mais la cour d'appel confirme en juillet 2009 la culpabilité de l'élu, tout en réduisant la peine : les 35 000 euros de dommages et intérêts demeurent mais la condamnation à de la prison avec sursis est commuée en une amende de 10 000 euros. Jacques Mahéas se pourvoit en cassation et perd définitivement en 2010, après huit ans de marathon judiciaire.
Le dit marathon a été épuisant pour la victime, qui a quitté son emploi et la région et a été obligée de partir à la retraite, alors que Jacques Mahéas a conservé ses mandats.
Les réactions de l'Etat et du PS après cette condamnation
Les autorités de l'Etat ne se sont pas soucié de le démettre de ses fonctions : le préfet de Seine Saint-Denis a le pouvoir de saisir le Conseil des ministres pour demander la révocation d’un maire : mais rien n'a été fait. Donc, en 2011, en France, un maire condamné pour agression sexuelle peut demeurer en poste, chef de la police municipale et président du comité local de lutte contre la délinquance, avec la bienveillance des autorités.
Au PS, même chose :"A aucun moment, au Parti socialiste, la question de mon investiture n'a été posée", dit le sénateur. Pourtant, dès le 8 mars 2010, l’AVFT et Femmes Solidaires, deux associations parties civiles qui ont soutenu la victime, demandaient à Martine Aubry de se positionner sur cette affaire. Aucune réponse.
Le 6 avril 2011, lors du séminaire du PS sur l'égalité entre les femmes et les hommes, l’AVFT remet la question sur le tapis et demande à Benoît Hamon "une condamnation pour agressions sexuelles d’un élu au cours de son mandat est-elle compatible avec une appartenance au PS ?".
Pour Benoît Hamon, l'affaire est « parfaitement abjecte » : il est favorable à l’exclusion de Jacques Mahéas du PS, ce qui le place à contre-courant du silence embarrassé qui prévaut au PS sur ce point.
Il promet de saisir Martine Aubry de l'affaire, avec Gaëlle Lenfant (secrétaire nationale adjointe aux Droits des femmes), mais aucune suite n'est donnée à cette demande.
Sauf depuis l'affaire Strauss-Kahn.
Benoît Hamon a été interrogé ce lundi 6 juin lors du point presse hebdomadaire du PS, sur la situation du sénateur, et a donc annoncé hier que la commission des conflits a été saisie.
Benoît Hamon et Gaëlle Lenfant, secrétaire nationale au droit des femmes, demandent l'exclusion de Jacques Mahéas du parti et estiment que ses actes et sa condamnation "sont de nature à porter préjudice au parti".
De nature à porter préjudice au parti... C'est le moins que l'on puisse dire. Retirer ses pouvoirs politiques à Jacques Mahéas, serait la première étape vers l'abolition des privilèges, notamment sexuels, des puissants en France. Il aura fallu l'électrochoc de l'affaire DSK pour en arriver là.
Sans commentaires ?