Un forum anti-avortement se tient lundi dans le cadre prestigieux du Sénat espagnol. Les dizaines d’invités du monde entier sont unis autour d’idéologies réactionnaires d’inspiration religieuse, antiféministes, homophobes et transphobes.
Huit mois après avoir accueilli le gratin de l’extrême droite planétaire à l’occasion de Viva 24, un meeting électoral pré-européennes, la capitale espagnole reçoit un nouvel aréopage d’ultraconservateurs pour un forum anti-avortement, lundi 2 décembre. L’organisateur de ce raout, baptisé «Sommet transatlantique pour la liberté et la culture de la vie», est le Réseau politique des Valeurs (Political Network for Values), un organisme qui défend la famille et les valeurs catholiques réactionnaires, et pourfend les conquêtes du féminisme et les droits obtenus par les communautés LGBTI+. A la tête du PNvF, on trouve le politicien chilien José Antonio Kast, admirateur de la dictature de Pinochet et candidat battu par Gabriel Boric à la présidentielle de 2021.
Le lieu qui hébergera les débats est prestigieux, et tout ce qu’il y a de plus officiel : le palais du Sénat, où le Partido Popular espagnol (PP, droite) détient la majorité absolue (145 sièges sur 266). A la chambre haute, le parti d’extrême droite Vox, dont plusieurs élus participeront à l’événement, n’a aucun représentant. Le prêt d’une salle a été validé en septembre par le bureau du Sénat, où siègent quatre élus PP et trois socialistes. Ces derniers ont admis un «manque de vigilance» et tenté d’annuler la décision. En vain.
Un gotha de l’extrême droite internationale
Visible sur le site du PNfV, la liste d’invités et orateurs constitue un gotha de l’extrême droite internationale. On y trouve ainsi Nahuel Sotelo, secrétaire d’Etat argentin au Culte et à la Civilisation. Son prédécesseur, Francisco Sanchez, avait tenu lors de Viva24, la réunion d’extrême droite du 20 mars à Madrid, un discours très violent. En août, son président Javier Milei l’a limogé en raison d’attaques incessantes contre le Vatican. Le président dit «libertarien» souhaite en effet ménager son compatriote le pape François, après l’avoir qualifié de «représentant du malin sur la Terre».
Parmi la brochette d’invités figurent aussi Marton Ugrosdy, le chef de cabinet du Premier ministre hongrois, Viktor Orbán ; Andy Harris, représentant républicain du Maryland et figure de proue du combat anti-IVG aux Etats-Unis ; son compatriote Brian Brown, du très homophobe Congrès mondial des familles, dont la branche russe appartient aux réseaux de Poutine ; Stephen Bartulica, cofondateur du parti extrémiste croate Domino ; le nationaliste Șerban-Dimitrie Sturdza, du parti Alliance pour l’unité des Roumains.
Le jeune député brésilien Nikolas Ferreira (28 ans), star montante de l’entourage de Bolsonaro, habitué des happenings antiféministes et transphobes, sera là lui aussi. Le 8 mars 2023, journée des droits des femmes, il était monté à la tribune du Parlement à Brasilia affublé d’une perruque blonde et avait lancé aux femmes : «Reprenez votre féminité, ayez des enfants, aimez la maternité et formez votre famille !»
Côté français, on annonce la présence de Grégor Puppinck, du think thank catho-réac ECLJ, et de l’insaisissable Nicolas Bay, passé par le FN, puis le MNR de Bruno Mégret, puis le RN de Marine Le Pen, puis Renaissance d’Eric Zemmour, et dernièrement la mouvance de Marion Maréchal. Il est actuellement impliqué dans le procès sur les assistants parlementaires du RN.
Autre motif d’inquiétude : les CV des invités africains. La députée ougandaise Lucy Akello a promu la loi la plus homophobe de la planète, appliquée depuis 2023. Elle punit de prison toute relation entre personnes de même sexe, et de peine de mort les cas d’«homosexualité aggravée». Une criminalisation qu’appelle de ses vœux le parlementaire kenyan George Peter Kaluma, qui qualifie les gays «d’adorateurs de Satan» et prône pour un tel crime la réclusion à perpétuité. Même si son nom a été supprimé de la liste des orateurs, un responsable du forum a assuré au quotidien espagnol El Pais qu’il sera bien présent à la tribune.
Cathos et évangéliques conservateurs réunis dans une même haine
Aux côtés de José Antonio Kast, le plus médiatique des responsables de l’événement est l’Espagnol Jaime Mayor Oreja, catholique pratiquant qui fut ministre de l’Intérieur entre 1996 et 2001, dans le cabinet du Premier ministre PP José María Aznar, puis eurodéputé entre 2004 et sa retraite politique en 2014.
Lundi, la journée débutera dès 8 heures par une messe au couvent de l’Incarnation. Sans nul doute, la tenue de ce forum au Sénat donne un vernis de respectabilité à une nébuleuse d’inspiration religieuse, où cohabitent en toute entente catholiques et évangéliques ultraconservateurs, réunis dans une même haine non seulement de l’avortement légal, mais aussi du mariage et de l’adoption égalitaires, de la PMA, de l’euthanasie, de la transidentité, de l’éducation à la différence caricaturée en «théorie du genre». Le sommet contribue en outre à faire de Madrid un hub des idéologies les plus réactionnaires. Amer constat pour une ville qui, entre 1936 et 1939, fut un symbole mondial de la résistance au fascisme, au cri de «No Pasarán».
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Au fait...Bay + Bay ça fait "baybay"...