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...Face à la commission, Marine Le Pen a employé, mercredi, le terme de
« rattachement » de la Crimée à la Russie, assuré de la russophilie des habitants qu’elle avait rencontrés, et déroulé le récit selon lequel la région avait été « donnée [à l’Ukraine] par un dictateur [l’ancien leader soviétique Nikita Khrouchtchev] sur un coup de tête ».
Fallait-il assumer aujourd’hui cette communauté de vues avec Vladimir Poutine sur la Crimée ? Ou infléchir sa position, au risque de sembler avoir parlé sous influence, il y a neuf ans ? De deux maux, la députée du Pas-de-Calais a choisi le moindre.
En effet, c’est sur cette déclaration postréférendum que repose l’unique élément factuel pouvant accréditer la thèse d’une contrepartie politique au prêt. Des messages obtenus en 2015 par des pirates informatiques russes témoignent d’une conversation – dont l’authenticité n’a jamais été contestée – entre un responsable du Kremlin et un blogueur poutinien, prétendument en lien avec Marine Le Pen. Les échanges mentionnent la nécessité de « remercier les Français » après la prise de position de Marine Le Pen. Dans les six mois qui suivent, Jean-Marie Le Pen et Marine Le Pen obtiennent tous deux des prêts russes à hauteur de 11 millions d’euros.
Désintérêt
Deux questions ont été posées à la cheffe de file de l’extrême droite, mercredi, au sujet de ces SMS. Elle s’en est sortie sans dommage mais non sans contradiction. Elle a d’abord assuré les ignorer – les messages comme les interlocuteurs. Relancée, une heure plus tard, elle a dit les avoir découverts très récemment, tout en étant capable d’en citer un extrait pouvant la dédouaner. « Je ne m’intéresse pas obligatoirement toujours à ce qui est révélé sur ce sujet », a affirmé l’ancienne présidente du RN.
A l’en croire, il ne s’agit pas du seul sujet auquel Marine Le Pen ne prête pas attention. Elle a ainsi dit ne pas être consultée sur les déplacements internationaux de ses élus ou conseillers, plusieurs fois invités par Moscou dans des territoires contestés ou pour valider des scrutins très contestés.
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Elle ignorait qu’un proche de Vladimir Poutine présidait la banque octroyant le prêt qui a sauvé son parti. Elle ne s’est pas interrogée sur l’origine – émiratie – des fonds d’un autre prêt providentiel, contracté en 2017 auprès d’un homme d’affaires français, Laurent Foucher. L’emprunt fait l’objet d’une enquête du Parquet national financier.
Elle ne s’est pas, enfin, inquiétée de savoir pourquoi l’actuel créancier du parti, une société aéronautique dirigée par d’anciens militaires russes, avait récupéré sa dette ; ni pourquoi elle l’avait rééchelonnée avantageusement. Marine Le Pen l’a plusieurs fois répété : pour ce genre de vérifications, elle a « très confiance dans [sa] banque ». Qui, pense-t-elle avoir prouvé, n’est pas le Kremlin.