Voitures électriques. Ces nouvelles normes qui pourraient changer la donne
"Dans les prochaines années, la réglementation va nettement se durcir pour les véhicules électriques. En plus de surveiller leurs particules de freins et de pneus, ils vont devoir se doter de batteries plus durables, plus réparables, plus propres et plus sûres. Un sacré défi pour les constructeurs !
Pièce cruciale de toute voiture électrique, la batterie fait l'objet d'une nouvelle réglementation très complète.(L'argus)
"Alors que les modèles thermiques doivent respecter des normes antipollution toujours plus strictes, les véhicules électriques sont plutôt épargnés. Leur pièce maîtresse, la batterie, était notamment peu surveillée jusqu’ici. De quoi donner du grain à moudre aux détracteurs de ce type de motorisation. Mais cette situation est amenée à changer à vitesse grand V.
Dans les prochaines années, plusieurs réglementations modifieront la manière de concevoir et fabriquer ces précieux accumulateurs. La plus importante d’entre elles, du moins pour l’Europe, date du 12 juillet 2023. Elle concerne tous les types de batteries, qu’elles soient utilisées dans les véhicules électriques et hybrides, dans des moyens de transports plus légers, dans l’industrie ou dans des appareils électroniques. Elle ambitionne en outre à terme de couvrir tout le cycle de vie, de l’extraction des métaux nécessaires à la fabrication jusqu’au recyclage final. « C’est une réglementation très complète et assez complexe aussi » résume Jean-François Defer, directeur du service régulation et certification du groupe Renault. « On n’a pas eu le même niveau d’exigence sur les véhicules thermiques […] alors que le marché du véhicule électrique démarre certes fortement, mais démarre tout juste », ajoute-t-il.
Un calendrier étalé jusqu’en 2036
Ce règlement européen EU 2023/1542 laisse toutefois du temps aux conducteurs pour s’adapter. Il a en effet prévu un calendrier assez progressif, qui s’étalera jusqu’en 2036. La première étape intervient dès le mois d’août 2024. Elle oblige à accompagner les batteries d’une documentation qui donne divers indicateurs de performance et de durabilité : capacité nominale, puissance, perte de capacité et de puissance envisagée au cours du temps… Même si ces informations sont purement déclaratives pour l’instant, le système de gestion des batteries (BMS ou battery monitoring system) devra aussi être revu à la même date pour pouvoir récupérer plus facilement des données sur l’état de santé de l’accumulateur (SOH ou state of health en anglais). Un enjeu très important pour le marché de la voiture électrique d’occasion compte tenu du coût de cet élément et de sa dégradation pas toujours homogène. La dernière étape, prévue pour août 2036, ambitionne d’inclure un certain seuil de matériaux recyclés : 26 % pour le cobalt, 15 % pour le nickel et 12 % pour le lithium.
Des échéances glissantes pour l’empreinte carbone
Entre ces deux extrêmes, le calendrier a fixé de nombreux rendez-vous. Certains sont toutefois susceptibles de glisser. C'est particulièrement le cas sur la question épineuse de l’empreinte carbone, pour laquelle la méthode de calcul se fait encore attendre. Les fabricants risquent de ne pas pouvoir respecter l’échéance de février 2025 initialement envisagée pour transmettre cette information, de manière déclarative pour commencer. L’Union européenne devait ensuite se servir de ces données pour établir d’abord des « classes de performance », en août 2026, puis à terme un seuil à ne pas dépasser. Ce dernier, qui pourrait particulièrement pénaliser les constructeurs asiatiques, n’est pas attendu avant février 2028 dans le meilleur des cas. En revanche, dès le mois d’août 2025, les constructeurs de batteries devront s’engager à respecter un « devoir de diligence » au cours de l’extraction et du raffinage des matériaux. Sous cette expression se cache en réalité un certain nombre d’obligations éthiques et environnementales. Les fabricants devront veiller à limiter la pollution de l’air, de l’eau et des sols, à éviter le travail des enfants ou encore à assurer la sécurité de leur personnel. Des audits seront régulièrement effectués pour vérifier que ces principes ne soient pas bafoués.
Dès le mois d'août 2025, les fabricants de batteries devront s'engager à respecter un certain nombre d'exigences environnementales et éthiques pour l'extraction et le raffinage des matériaux.(Adobe Stock)
Des batteries plus transparentes et plus recyclables
Les accumulateurs devront par ailleurs se doter progressivement d’une étiquette, puis d’un QR code associé à un passeport numérique donnant accès à de nombreuses informations : matériaux utilisés, proportion de contenu renouvelable, empreinte carbone une fois qu’elle sera définie, caractéristiques techniques, capacité qui correspond à la fin de vie… De quoi améliorer la transparence d’un élément aujourd’hui assez opaque.
Seules certaines de ces données seront toutefois accessibles au grand public. D’autres seront réservées aux « personnes ayant un intérêt légitime », comme les professionnels de la réparation, et une partie sera même exclusivement destinée « aux organismes notifiés, aux autorités de surveillance du marché et à la Commission ». Quant au recyclage, il est abordé sous deux aspects. En plus de devoir comporter de plus en plus de matériaux réutilisés, comme nous l’avons déjà évoqué, les batteries devront aussi permettre d’en récupérer de plus en plus une fois qu’elles seront arrivées en fin de vie.
. Août 2024 : communication d’informations sur la performance et la durabilité des batteries. Récupération de l’état de santé de la batterie (SOH) via son système de management (BMS) facilité.
. Février 2025 (sous réserve) : déclaration de l'empreinte carbone
. Août 2025 : engagement à respecter un certain nombre d’obligations éthiques et environnementales (alias « devoir de diligence » ). Objectif d’atteindre 65 % d’efficacité pour la recyclabilité.
. Août 2026 (sous réserve) : étiquetage des batteries et définition de classes de performance pour l’empreinte carbone
. Février 2027 : création d’un passeport numérique et ajout d’un QR code sur les batteries.
. Décembre 2027 : objectif de récupérer jusqu’à 90 % de cobalt, nickel et cuivre en fin de vie, ainsi que 50 % de lithium
. Février 2028 (sous réserve) : fixation d’un seuil à respecter pour l’empreinte carbone
. Août 2028 : obligation de déclarer le contenu recyclé utilisé dans la fabrication
. Décembre 2030 : objectif d’atteindre 70 % d’efficacité pour la recyclabilité
. Août 2031 : objectif d’atteindre 6 % de matériau recyclé dans le contenu pour le nickel et le lithium, 16 % pour le cobalt
. Décembre 2032 : objectif de récupérer jusqu’à 95 % de cobalt, nickel et cuivre en fin de vie, ainsi que 80 % de lithium
. Août 2036 : objectif d’atteindre 26 % de matériau recyclé dans le contenu pour le nickel, 15 % pour le nickel et 12 % pour le lithium
La norme Euro 7 concerne aussi l’électrique
Déjà contraignante, cette législation sur les batteries n’est pas la seule réglementation européenne qui guette les voitures électriques. Pour la première fois, elles sont également concernées par la nouvelle norme antipollution Euro 7. Une norme qui a enfin été approuvée après avoir fait l’objet de débats enflammés mais qui attend encore deux signatures et une parution au Journal officiel pour connaître sa date exacte d’entrée en vigueur. À l'heure actuelle, elle pourrait s’appliquer à partir de novembre 2026 pour les véhicules particuliers nouvellement homologués et dès novembre 2027 pour tous les autres.
Une seconde phase, à partir de juillet 2028, viendrait prendre en compte les particules de pneumatiques. Ce sera une des nouveautés majeures de cette norme… et une des menaces qui peuvent sembler planer sur les véhicules électriques, accusés d’être de mauvais élèves dans ce domaine en raison de leur poids élevé et de leur couple important.
La norme Euro 7 prévoit d'encadrer les particules de pneus, mais seulement dans un second temps. (Tyre Collective)
Pas sûr, toutefois, qu’il y ait un réel impact. Pour l'instant, le protocole prévoit en effet seulement de tester les gommes elles-mêmes, sans les rattacher à un véhicule donné. Les particules de frein seront également surveillées pour la première fois, avec une échéance moins lointaine. Mais les voitures électriques et hybrides profiteront ici d’un coefficient plus avantageux afin de tenir compte de leur freinage régénératif, qui évite le recours aux disques et plaquettes. Enfin, Euro 7 comprend un volet consacré à la durabilité des batteries.
Elles devront être en mesure de conserver au moins 72 % de leur capacité pendant 8 ans et 160 000 km, avec une clause de révision en 2027 qui prévoit des exigences accrues jusqu’à 10 ans et 200 000 km. Pour s’assurer du bon respect de cette nouveauté par les constructeurs, le texte prévoit en prime que le véhicule soit capable d’envoyer l’état de santé de la batterie à distance, tout comme la consommation électrique.
Des normes de sécurité qui divisent les pays
Les mesures qui cherchent à rendre les véhicules électriques plus propres ne vont donc pas manquer dans les prochaines années. Mais la sécurité n’est pas totalement oubliée.
Outre les normes qui s’appliquent à tout type de voiture, comme la GSR 2, une réglementation plus spécifique aux batteries est en cours d’élaboration au niveau de l’Organisation des Nations unies. Elle prévoit des stratégies pour éviter les incendies et surtout leur propagation, principale problématique aujourd'hui pour les pompiers. À terme, votre voiture pourrait ainsi déclencher un signal d’alerte si son accumulateur subit un dangereux phénomène d’emballement thermique. Cette réglementation n’a toutefois pas dépassé la phase documentaire pour l’instant. La suite du programme doit comprendre des tests plus contraignants, et les pays ont bien du mal à se mettre d’accord sur la manière de procéder. Jean-François Defer précise :
"Les États-Unis ont décidé de quitter le groupe de discussion réglementaire pour mener leur propre chemin parce qu’il y avait un désaccord."
Même si elles brûlent moins souvent que leurs homologues thermiques, les voitures électriques provoquent des incendies plus difficiles à éteindre.(DR)
Dans ce contexte un peu houleux, cette norme ne devrait donc pas être en vigueur avant 2028, voire 2029. Elle risque même d’entrer en scène après les premières batteries à électrolyte solide, qui promettent notamment d’améliorer la sécurité. Mais, à cette échéance, ces dernières seront de toute façon encore loin de représenter la majorité du marché. Les chimies actuelles ont encore de beaux jours devant elles."
https://www.largus.fr/actualite-automob ... 34467.html