Kelenner a écrit : ↑08 juillet 2024 09:23
On peut se demander pourquoi les législatives restent des élections compliquées pour le RN. Avec leur résultat aux européennes, ils pouvaient espérer, au minimum, le plus gros groupe parlementaire, ils ne terminent finalement que troisième. On peut soulever plusieurs explications :
1) Déjà, bien sûr, l'arithmétique : les européennes sont une élection à un tour, les législatives en ont deux et toute la difficulté consiste à rassembler une majorité au second tour, y compris avec des électeurs qui n'ont pas voté pour vous au premier. Or, si le RN séduit aujourd'hui un tiers de l'électorat, il reste violemment rejeté par les deux autres tiers, et a donc beaucoup de soucis, notamment en duel à cause des désistements.
2) Sur le plan de la personnalisation, les partis autoritaires comme le RN (ou LFI avec Mélenchon) sont toujours fortement "incarnés", identifiés à une ou deux figures marquantes : ici, MLP et Bardella. Les européennes sont un scrutin de liste, national, avec une seule tête d'affiche sur tout le territoire. Mais aux législatives, il faut présenter 577 candidats, et les électeurs ont pu se rendre compte que derrière la façade bien présentable du "gendre idéal" Bardella, le parti d'extrême droite était incapable de présenter des candidats crédibles dans près de la moitié des circos : racistes pathologiques, psychotiques, repris de justice, complotistes, parachutés, tout y est passé.
3) Au niveau programmatique, là encore les européennes sont des élections très favorables au RN : même s'ils ont renoncé toutes leurs mesures fortes sur l'euro ou les traités, leurs électeurs sont acquis à un discours hostile à l'UE, même totalement vide de propositions, et ils ne comprennent pas le fonctionnement des institutions. Le parti prêche des convaincus, sans avoir même besoin de proposer quoi que ce soit. Mais c'est différent pour des législatives, où l'enjeu devient de prendre le pouvoir en France. Là, les approximations, les reniements, les incohérences ont éclaté au grand jour.
4) Sur le plan politique, ils se sont également plantés sur toute la ligne. Leurs petites magouilles familiales avec Marion Maréchal, peu glorieuses déjà en soi, ont asséché leur seule réserve de voix et leur alibi "extrémiste" avec Reconquête. L'alliance absurde avec les résidus de LR, qu'ils n'ont cessé de fustiger depuis plus de 20 ans comme les fossoyeurs du pays, ne leur a rien rapporté électoralement, ni en voix ni en cadres, et les a obligé à se repositionner comme un parti de droite extrême, alors que toute la stratégie (gagnante) de MLP avait justement consisté à se présenter comme un parti populiste "hors système", "ni de droite ni de gauche". Au second tour, ils ont payé cash ces erreurs de stratégie monumentales.
5) Enfin, leur attitude n'a pas non plus plaidé en leur faveur. Leur arrogance puante, "on veut la majorité absolue ou rien", sont apparues comme des caprices d'enfants gâtés. Les attaques répétées sur la gauche, systématiquement qualifiée "d'extrême", les a repositionné comme un parti d'extrême droite pro-riches alors qu'une partie de leur électorat peut également être séduite par le discours social de LFI, auquel ils ont intégralement renoncé. Les accusations bidons d'antisémitisme n'ont dupé personne, alors que le racisme très réel de leurs propres candidats éclatait au grand jour.
Bref, on peut dire sue cette campagne a été un naufrage pour le RN, même s'ils obtiennent un groupe encore bien trop large. Le danger c'est qu'ils sont désormais dans leur position favorite, en pseudo opposants sans aucune responsabilité, la plus confortable pour bassiner tout le monde avec des promesses bidons.