Coup d'accélérateur
Présidentielle aux Etats-Unis : à peine lancé, le tandem Harris-Walz déroute le téméraire Trump
Tim Walz et Kamala Harris lors d'un meeting à Eau Claire, dans le Wisconsin, le 7 août. (Kerem Yücel/AP)
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Donald Trump pleure Joe Biden, avec des larmes de rage. Son dernier message déjanté, sur son réseau personnel Truth Social, publié le 6 août, le jour même de l’entrée en lice du colistier démocrate Tim Walz, accuse Kamala Harris d’avoir fomenté un coup d’Etat contre son président, qui selon lui rêverait de revenir dans la course pour débattre avec lui. Quinze jours plus tôt, il suffisait à Trump de prononcer un discours par semaine devant le peuple du Make America Great Again (Maga) pour maintenir une avance de quatre points sur son adversaire déclinant et attendre le raz de marée de novembre.
Mais les temps ont changé. Alors que Kamala Harris, flanquée d’un nouveau compère aux airs d’oncle débonnaire du Midwest, entame une blitzkrieg de dix jours dans six Etats clés pour la présidentielle, la démocrate a déjà inversé la tendance. Dotée maintenant de plus d’un point d’avance sur Trump, elle rassemble 10 000 fans à Philadelphie, dans une Pennsylvanie décisive, 12 000 à Eau Claire, dans le Wisconsin, un district pourtant acquis aux républicains. Dans le Michigan, réputé perdu en juillet, 47 000 personnes ont demandé en ligne une place au meeting du 7 août, mais 15 000 seulement ont pu s’entasser dans ce hangar de l’aéroport de Detroit, dans une liesse inédite depuis la campagne de Barack Obama seize ans plus tôt. Assez pour justifier l’augure de Frank Luntz, gourou des sondeurs républicains, qui, après avoir donné Trump gagnant il y a trois semaines, confirme que la dynamique Kamala Harris «lui vaudrait la victoire si l’élection avait lieu aujourd’hui».
Brocarder l’élitisme des adversaires
Signe du bouleversement, 36 millions de dollars de donations sont tombés en moins de 24 heures dans les caisses de campagne démocrate depuis l’apparition de Tim Walz, illustre inconnu pour les deux tiers des Américains. Mieux : les casquettes rouges du peuple Maga, symboles du populisme trumpien, se découvrent une concurrente, vert kaki, comme celle qu’affectionne le gouverneur du Minnesota pour ses week-ends de chasse et de pêche, ornée d’un Harris-Walz orange fluo, dont les 3 000 exemplaires disponibles ont été vendus en trente minutes sur le site du duo démocrate le 6 août.
Tim Walz, émissaire du Midwest et d’un «populisme positif» antinomique du sombre catastrophisme du ticket républicain, remplit déjà son contrat aux côtés de la candidate, fustigeant l’adversaire pour avoir «retiré la joie au peuple américain», réussissant la gageure de brocarder l’élitisme des adversaires. A commencer par celui de son opposant J.D. Vance, choisi par Trump autant pour sa ferveur droitière que pour son enfance malheureuse dans les friches industrielles de l’Ohio racontée dans son livre Hillbilly Elegy (2016, traduction française Globe, 2017). «Comme tous les gens qui ont grandi au cœur du pays, il est allé à l’université de Yale, a vu sa carrière financée par des milliardaires de la Silicon Valley, avant d’écrire un best-seller qui tapait à bras raccourcis sur sa communauté, ironise le démocrate. Je suis impatient de débattre avec lui.»
Faute de stratégie post-Biden, Donald Trump, cantonné dans sa résidence de Mar-a-Lago, en Floride, hurle sur les réseaux sociaux que le duo Harris-Walz serait «l’exemple même de la gauche radicale, [qui] va plonger le pays dans l’enfer», oubliant que le candidat pour la vice-présidence est soutenu à la fois par les élus les plus progressistes du Congrès mais aussi par Joe Manchin, influent sénateur indépendant de Virginie-Occidentale, honni par les démocrates pour ses tractations avec les républicains. De son côté, J. D. Vance, ancien marine déployé comme attaché de presse des armées en Afghanistan, préfère attaquer le passé militaire de Walz, réserviste pendant 24 ans mais coupable à ses yeux d’avoir pris sa retraite quelque mois avant le déploiement de son unité à Bagdad, pour briguer le Congrès en 2006. Une sale guerre commence, à laquelle Donald Trump n’était pas préparé."
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