Il y a deux ans, un journaliste de l’hebdo satirique révélait l’existence, au sein de son propre journal, d’irrégularités comptables liées au travail du dessinateur Escaro. L’affaire, qui a fortement ébranlé la rédaction, est jugée à partir de ce mardi 8 octobre.
Le Canard a rendez-vous au tribunal. Deux anciens dirigeants historiques de l’hebdomadaire satirique, Michel Gaillard, 80 ans, et Nicolas Brimo, 73 ans, sont jugés à Paris à partir de mardi pour – notamment – «abus de biens sociaux» et «faux». Ils sont soupçonnés d’avoir rémunéré pendant plus de vingt-cinq ans Edith Vandendaele, la compagne du dessinateur André Escaro, sans que celle-ci n’ait jamais mis un orteil à la rédaction. Bénéficiaire présumé de cet emploi qualifié de «fictif» par la brigade financière, le couple devrait également comparaître aux côtés des deux autres prévenus, même si la santé fragile d’Escaro, 96 ans, laissait craindre ces derniers jours un renvoi du procès ou une disjonction partielle.
Cette embarrassante affaire a été lancée en mai 2022 par une des plumes les plus affûtées du Canard enchaîné, Christophe Nobili, qui a porté plainte contre X après avoir fait d’étranges découvertes comptables au sein même de sa rédaction. Quelques mois plus tard, le journaliste a raconté dans un livre, Cher Canard, comment il en était arrivé à dénicher cet emploi fictif «comparable à celui de l’affaire Fillon», autre scoop qu’il avait lui-même contribué à révéler dans les colonnes de son journal. Contrainte de se justifier, la direction de l’hebdo explique alors qu’après sa retraite, en 1996, Escaro a livré plus de 8 000 cabochons (petits dessins) jusqu’en 2022 sans être rémunéré. Raison pour laquelle sa compagne, avec laquelle il travaillait «en équipe», aurait été payée à sa place. Face aux enquêteurs, Escaro a souligné que la contribution de celle-ci était «vitale pour le dessin». Edith Vandendaele, elle, a indiqué avoir réalisé des «revues de presse» pour son compagnon mais a fini par admettre lors des investigations que son travail était «immatériel».
Crise inédite
Dans un rapport de synthèse daté de juillet 2023, que Libération a pu consulter, les policiers de la brigade financière jugent «incohérent que M. Escaro ait eu besoin subitement en 1996 d’une assistante pour l’épauler alors qu’il avait jusqu’alors réalisé seul des milliers d’illustrations pour le compte du palmipède depuis 1949». Un revirement d’autant plus problématique, à leurs yeux, que «la situation juridique et financière de Mme Vandendaele était inconnue, voire dissimulée à l’ensemble des collaborateurs du Canard enchaîné par la direction». Et donc que «cette opacité rendait l’abus de bien social indétectable par les salariés». Avec les charges, cette salariée «fantôme», rémunérée jusqu’à 5 600 euros par mois hors primes, a coûté plus de trois millions d’euros à l’entreprise. En tenant compte des délais de prescription, ce préjudice peut être rapporté à 1 456 544 euros, selon les calculs de la brigade financière.
Pour les enquêteurs, le tandem Brimo-Gaillard poursuivait un «double intérêt». D’une part, ils faisaient «plaisir à un ami de longue date». De l’autre, le micmac permettait de faire partir «en douceur» Escaro et libérait de facto son poste d’administrateur délégué, récupéré par le même Brimo. Circonstance aggravante pour les deux anciens dirigeants, également accusés d’avoir transmis «sciemment» des attestations écrites «inexactes» à la Commission de la carte d’identité des journalistes professionnels pour faire attribuer cette carte à Edith Vandendaele : en tant que responsables d’un hebdomadaire spécialisé dans le journalisme d’investigation, ils étaient «plus sensibilisés que la moyenne de [leurs] collègues et du public en général à la notion d’emploi fictif». Tout en reconnaissant un montage «un peu acrobatique», Nicolas Brimo et Michel Gaillard ont toujours contesté toute infraction pénale. Contactés, leurs avocats n’ont pas répondu à nos sollicitations.
La plainte et le brûlot de Christophe Nobili ont créé une crise inédite au sein de l’hebdo, sur fond de conflits générationnels, de management vertical et de débats sur la ligne éditoriale. Pendant des mois, les canetons se sont volé dans les plumes par anathèmes interposés, entre mises au point outrées et tracts incendiaires. Libération avait raconté l’«atmosphère pesante» et le «climat de parano» qui régnait alors dans les couloirs du titre. Symbole de cette fracture ouverte, six journalistes maison ont décidé de se constituer parties civiles au côté de Nobili pour ce procès qui devrait durer quatre jours : Claude Angeli, figure historique du journal, 93 ans, le dessinateur Wozniak, le chroniqueur littéraire Frédéric Pagès et les journalistes David Fontaine, Claudine Alizon et Anne-Sophie Mercier. Ironie du dossier, la société du Canard s’est elle aussi constituée partie civile, côté direction, chevauchement qui augure d’une âpre bataille procédurale.
Un temps mis à pied à titre conservatoire et convoqué pour un entretien préalable à son licenciement – procédure annulée à quatre reprises par l’inspection du travail et le tribunal administratif – Christophe Nobili a finalement été réintégré à la rédaction. Une situation d’autant plus délicate que le journaliste, entré au Canard en 2005, est aussi à l’origine de la première section syndicale du journal (SNJ-CGT), créée fin 2021, statut censé lui conférer une protection particulière. Estimant avoir été injustement placardisé après sa plainte, celui qui revendique aussi le titre de «lanceur d’alerte» a par ailleurs saisi les prud’hommes d’une procédure en harcèlement moral. «Les manœuvres des anciens dirigeants ont occasionné plusieurs millions d’euros de préjudice pour le Canard et, surtout, ont fait peser un risque sur sa crédibilité, tonnent les avocats de Nobili, Pierre-Olivier Lambert et Maria Cornaz Bassoli. La justice doit maintenant sanctionner fermement les abus de ces dirigeants.»
Trois clans
Les anciens patrons du Canard, qui ne sont pas en reste, ont porté plainte contre le salarié pour «non-respect de la présomption d’innocence» après un long entretien au média en ligne Blast. Quelques mois plus tôt, les mêmes avaient déjà déposé plainte contre X en marge de l’enquête pénale, estimant avoir été victime d’une «perquisition illégale» portant «atteinte à l’ensemble des piliers de notre Etat de droit». Mais la procédure a été classée sans suite en juillet.
Si Michel Gaillard et Nicolas Brimo ont tous deux quitté la direction de la rédaction courant 2023 (ils restent actionnaires minoritaires, Michel Gaillard ayant aussi le statut de membre fondateur de l’association Maurice Maréchal, qui chapeaute toute la structure du Canard), leur successeur Erik Emptaz a toujours été de leur côté. Et attend désormais la tenue du procès. «Parce que ça fait un moment que cette affaire dure, soupire le directeur de la publication. On ne serait pas mécontents que ça se termine.» En face aussi, «on espère que le procès va purger le passé, explique David Fontaine, membre de la section SNJ-CGT. Mais la direction déterre régulièrement la hache de guerre.» La rédaction est divisée en trois clans : les soutiens des «anciens» du tandem Brimo-Gaillard, les «canetons» SNJ-CGT avec Nobili en figure de proue, et un marais de silencieux ou d’indécis.
«Lorsque nous sommes tous réunis, c’est comme si de rien n’était, résume une journaliste. Vol au-dessus d’un nid de coin-coin.» Le traitement de Christophe Nobili dans les pages du Canard est particulièrement symptomatique : au moment de la sortie de Cher Canard, sa signature avait parfois été retirée du journal à la dernière minute. Aujourd’hui, tout en continuant d’être la cible de procédures pour licenciement, l’enquêteur apparaît dans l’hebdomadaire, avec parfois des articles à la une. «C’est curieux : il est là, il fait ses papiers, avec des gens dans la pièce qui s’acharnent à vouloir le faire virer», raconte un témoin. «On essaye de travailler en bonne intelligence», explique Erik Emptaz. Avant d’ajouter, moins urbain : «De toute façon, on n’a pas d’autre solution que de travailler avec lui pour l’instant.» Ambiance.
Les départs conjugués de Nicolas Brimo et Michel Gaillard ont cependant rendu moins conflictuelles les relations au quotidien, leurs remplaçants à la direction «respectant plus les formes» et «ayant moins le goût du secret», selon un salarié : «L’esprit reste rigolard. Avec à peine 25 rédacteurs [hors pigistes, ndlr], on est de toute façon condamnés à bien s’entendre.» Cela fait ainsi de nombreux mois que Nicolas Brimo et Michel Gaillard n’ont pas été aperçus dans les étages de la rédaction du Canard, au 173 rue Saint-Honoré dans le Ier arrondissement de Paris, apparaissant seulement lors de pots de départ à la retraite ou de fin d’année.
Site web et DRH
Ils n’étaient ainsi pas présents pour le pot de lancement du site web du Canard, fin septembre. C’est la grande révolution du moment : l’hebdomadaire s’est récemment doté d’une véritable offre numérique, quatre ans après avoir posé une première palme dans la mare d’Internet en rendant disponible ses éditions au format PDF, poussé par la crise du Covid et la fermeture des points de vente. Désormais, le site du Canard offre l’accès à tous les articles du journal, tout en permettant à la rédaction de ne plus avoir à attendre la publication papier du mercredi pour balancer ses scoops. «Il était temps», note Erik Emptaz, alors que les chiffres de diffusion du journal sont en baisse : -11,5 % en moyenne en 2023 par rapport à l’année précédente, pour tout de même 250 000 exemplaires écoulés par semaine. Dans le paysage décimé de la presse française, cela reste du très haut niveau. Le Canard peut aussi s’appuyer sur son trésor de guerre d’environ 130 millions d’euros, dont les intérêts ont permis au journal de dégager des bénéfices en 2023.
La modernisation du palmipède ne s’arrête pas là. Au fil des embauches ces derniers mois, la rédaction s’est rajeunie et féminisée, tout en se dotant d’une responsable des ressources humaines, pour se mettre aussi en conformité avec les obligations d’une entreprise étant passée au-dessus des 50 salariés. «C’est nouveau dans la culture du Canard, explique Erik Emptaz. Avant, c’était la direction qui assumait directement ce genre de choses [les ressources humaines]». Fini les demandes de congés qui se réglaient en une poignée de main, bonjour les chèques déjeuners et les entretiens annuels. Les changements font craindre chez certains que l’ADN du journal soit touché. «Si on devient une boîte normale, ce sont nos glorieux aînés qu’on assassine», lâche un salarié. «On ne perd pas notre âme, on respecte la loi», tempère Hervé Liffran, journaliste et proche de la direction. «Les anciens nous faisaient croire qu’on était une élite privilégiée, en nous disant qu’on avait bien de la chance d’être rentrés grâce à eux, tranche David Fontaine. On devient simplement une entreprise où on respecte les droits sociaux, comme les autres.»
Crise inédite
Dans un rapport de synthèse daté de juillet 2023, que Libération a pu consulter, les policiers de la brigade financière jugent «incohérent que M. Escaro ait eu besoin subitement en 1996 d’une assistante pour l’épauler alors qu’il avait jusqu’alors réalisé seul des milliers d’illustrations pour le compte du palmipède depuis 1949». Un revirement d’autant plus problématique, à leurs yeux, que «la situation juridique et financière de Mme Vandendaele était inconnue, voire dissimulée à l’ensemble des collaborateurs du Canard enchaîné par la direction». Et donc que «cette opacité rendait l’abus de bien social indétectable par les salariés». Avec les charges, cette salariée «fantôme», rémunérée jusqu’à 5 600 euros par mois hors primes, a coûté plus de trois millions d’euros à l’entreprise. En tenant compte des délais de prescription, ce préjudice peut être rapporté à 1 456 544 euros, selon les calculs de la brigade financière.
Pour les enquêteurs, le tandem Brimo-Gaillard poursuivait un «double intérêt». D’une part, ils faisaient «plaisir à un ami de longue date». De l’autre, le micmac permettait de faire partir «en douceur» Escaro et libérait de facto son poste d’administrateur délégué, récupéré par le même Brimo. Circonstance aggravante pour les deux anciens dirigeants, également accusés d’avoir transmis «sciemment» des attestations écrites «inexactes» à la Commission de la carte d’identité des journalistes professionnels pour faire attribuer cette carte à Edith Vandendaele : en tant que responsables d’un hebdomadaire spécialisé dans le journalisme d’investigation, ils étaient «plus sensibilisés que la moyenne de [leurs] collègues et du public en général à la notion d’emploi fictif». Tout en reconnaissant un montage «un peu acrobatique», Nicolas Brimo et Michel Gaillard ont toujours contesté toute infraction pénale. Contactés, leurs avocats n’ont pas répondu à nos sollicitations.
La plainte et le brûlot de Christophe Nobili ont créé une crise inédite au sein de l’hebdo, sur fond de conflits générationnels, de management vertical et de débats sur la ligne éditoriale. Pendant des mois, les canetons se sont volé dans les plumes par anathèmes interposés, entre mises au point outrées et tracts incendiaires. Libération avait raconté l’«atmosphère pesante» et le «climat de parano» qui régnait alors dans les couloirs du titre. Symbole de cette fracture ouverte, six journalistes maison ont décidé de se constituer parties civiles au côté de Nobili pour ce procès qui devrait durer quatre jours : Claude Angeli, figure historique du journal, 93 ans, le dessinateur Wozniak, le chroniqueur littéraire Frédéric Pagès et les journalistes David Fontaine, Claudine Alizon et Anne-Sophie Mercier. Ironie du dossier, la société du Canard s’est elle aussi constituée partie civile, côté direction, chevauchement qui augure d’une âpre bataille procédurale.
Un temps mis à pied à titre conservatoire et convoqué pour un entretien préalable à son licenciement – procédure annulée à quatre reprises par l’inspection du travail et le tribunal administratif – Christophe Nobili a finalement été réintégré à la rédaction. Une situation d’autant plus délicate que le journaliste, entré au Canard en 2005, est aussi à l’origine de la première section syndicale du journal (SNJ-CGT), créée fin 2021, statut censé lui conférer une protection particulière. Estimant avoir été injustement placardisé après sa plainte, celui qui revendique aussi le titre de «lanceur d’alerte» a par ailleurs saisi les prud’hommes d’une procédure en harcèlement moral. «Les manœuvres des anciens dirigeants ont occasionné plusieurs millions d’euros de préjudice pour le Canard et, surtout, ont fait peser un risque sur sa crédibilité, tonnent les avocats de Nobili, Pierre-Olivier Lambert et Maria Cornaz Bassoli. La justice doit maintenant sanctionner fermement les abus de ces dirigeants.»
Trois clans
Les anciens patrons du Canard, qui ne sont pas en reste, ont porté plainte contre le salarié pour «non-respect de la présomption d’innocence» après un long entretien au média en ligne Blast. Quelques mois plus tôt, les mêmes avaient déjà déposé plainte contre X en marge de l’enquête pénale, estimant avoir été victime d’une «perquisition illégale» portant «atteinte à l’ensemble des piliers de notre Etat de droit». Mais la procédure a été classée sans suite en juillet.
Si Michel Gaillard et Nicolas Brimo ont tous deux quitté la direction de la rédaction courant 2023 (ils restent actionnaires minoritaires, Michel Gaillard ayant aussi le statut de membre fondateur de l’association Maurice Maréchal, qui chapeaute toute la structure du Canard), leur successeur Erik Emptaz a toujours été de leur côté. Et attend désormais la tenue du procès. «Parce que ça fait un moment que cette affaire dure, soupire le directeur de la publication. On ne serait pas mécontents que ça se termine.» En face aussi, «on espère que le procès va purger le passé, explique David Fontaine, membre de la section SNJ-CGT. Mais la direction déterre régulièrement la hache de guerre.» La rédaction est divisée en trois clans : les soutiens des «anciens» du tandem Brimo-Gaillard, les «canetons» SNJ-CGT avec Nobili en figure de proue, et un marais de silencieux ou d’indécis.
«Lorsque nous sommes tous réunis, c’est comme si de rien n’était, résume une journaliste. Vol au-dessus d’un nid de coin-coin.» Le traitement de Christophe Nobili dans les pages du Canard est particulièrement symptomatique : au moment de la sortie de Cher Canard, sa signature avait parfois été retirée du journal à la dernière minute. Aujourd’hui, tout en continuant d’être la cible de procédures pour licenciement, l’enquêteur apparaît dans l’hebdomadaire, avec parfois des articles à la une. «C’est curieux : il est là, il fait ses papiers, avec des gens dans la pièce qui s’acharnent à vouloir le faire virer», raconte un témoin. «On essaye de travailler en bonne intelligence», explique Erik Emptaz. Avant d’ajouter, moins urbain : «De toute façon, on n’a pas d’autre solution que de travailler avec lui pour l’instant.» Ambiance.
Les départs conjugués de Nicolas Brimo et Michel Gaillard ont cependant rendu moins conflictuelles les relations au quotidien, leurs remplaçants à la direction «respectant plus les formes» et «ayant moins le goût du secret», selon un salarié : «L’esprit reste rigolard. Avec à peine 25 rédacteurs [hors pigistes, ndlr], on est de toute façon condamnés à bien s’entendre.» Cela fait ainsi de nombreux mois que Nicolas Brimo et Michel Gaillard n’ont pas été aperçus dans les étages de la rédaction du Canard, au 173 rue Saint-Honoré dans le Ier arrondissement de Paris, apparaissant seulement lors de pots de départ à la retraite ou de fin d’année.
Site web et DRH
Ils n’étaient ainsi pas présents pour le pot de lancement du site web du Canard, fin septembre. C’est la grande révolution du moment : l’hebdomadaire s’est récemment doté d’une véritable offre numérique, quatre ans après avoir posé une première palme dans la mare d’Internet en rendant disponible ses éditions au format PDF, poussé par la crise du Covid et la fermeture des points de vente. Désormais, le site du Canard offre l’accès à tous les articles du journal, tout en permettant à la rédaction de ne plus avoir à attendre la publication papier du mercredi pour balancer ses scoops. «Il était temps», note Erik Emptaz, alors que les chiffres de diffusion du journal sont en baisse : -11,5 % en moyenne en 2023 par rapport à l’année précédente, pour tout de même 250 000 exemplaires écoulés par semaine. Dans le paysage décimé de la presse française, cela reste du très haut niveau. Le Canard peut aussi s’appuyer sur son trésor de guerre d’environ 130 millions d’euros, dont les intérêts ont permis au journal de dégager des bénéfices en 2023.
La modernisation du palmipède ne s’arrête pas là. Au fil des embauches ces derniers mois, la rédaction s’est rajeunie et féminisée, tout en se dotant d’une responsable des ressources humaines, pour se mettre aussi en conformité avec les obligations d’une entreprise étant passée au-dessus des 50 salariés. «C’est nouveau dans la culture du Canard, explique Erik Emptaz. Avant, c’était la direction qui assumait directement ce genre de choses [les ressources humaines]». Fini les demandes de congés qui se réglaient en une poignée de main, bonjour les chèques déjeuners et les entretiens annuels. Les changements font craindre chez certains que l’ADN du journal soit touché. «Si on devient une boîte normale, ce sont nos glorieux aînés qu’on assassine», lâche un salarié. «On ne perd pas notre âme, on respecte la loi», tempère Hervé Liffran, journaliste et proche de la direction. «Les anciens nous faisaient croire qu’on était une élite privilégiée, en nous disant qu’on avait bien de la chance d’être rentrés grâce à eux, tranche David Fontaine. On devient simplement une entreprise où on respecte les droits sociaux, comme les autres.»