En janvier, ces deux hommes avaient participé à un rassemblement à Jérusalem pour réclamer la recolonisation de Gaza, en présence également de Yossi Dagan, président du conseil régional de Samarie. Un événement condamné par le quai d’Orsay, disant «attendre des autorités israéliennes une dénonciation claire de ces positions». Et de préciser rejeter l’idée de «toute nouvelle colonisation israélienne à Gaza ainsi que toute forme de transfert de la population palestinienne».
Un documentaire d’Arte, diffusé en septembre, qualifie ces deux figures de «ministres du chaos» et revient sur leur parcours. Il rappelle notamment que Bezalel Smotrich a été interpellé par le Shin Belt – le service de sécurité intérieure – en 2005 (à l’époque du désengagement israélien de la bande de Gaza), alors qu’il était âgé de 24 ans. Il était soupçonné de préparer une action violente en amont de l’intervention militaire visant à déloger les familles israéliennes de l’enclave. Ce que le principal concerné a toujours nié.
«Le Hamas est notre chance»
Plus tard, Smotrich fonde «Regavim», une organisation qui lutte contre les constructions palestiniennes en Cisjordanie. En 2015, rappelle le documentaire d’Arte, il assure publiquement qu’il «faut réfléchir» à soutenir le Hamas ou à lui envoyer de l’argent, car «sur la scène internationale, au jeu de la délégitimation, l’Autorité palestinienne est un fardeau et le Hamas un atout», le Hamas étant «une organisation terroriste» que «personne ne reconnaîtra». Dans le même ordre d’idée, il déclare, avant le 7 octobre 2023, que «le Hamas est notre chance». Partisan de la recolonisation de Gaza, qu’il présente comme étant issue de la volonté divine, il aime à se définir, dans un enregistrement privé rendu public, comme un «fasciste homophobe».
A noter que Smotrich s’est déjà illustré à Paris, le 19 mars 2023, lors d’un service commémoratif pour Jacques Kupfer. Décédé en 2021, ce membre du Likoud était le créateur de l’association «Israël is Forever». Bezalel Smotrich avait alors déclaré à la tribune que «les Palestiniens n’existent pas parce que le peuple palestinien n’existe pas», et que «le peuple palestinien est une invention d’il y a moins de cent ans». Ces propos avaient alors suscité un émoi international.
«Pas de population civile innocente à Gaza»
Dans son alerte au préfet, Thomas Portes pointe également le profil de Nili Kupfer-Naouri, avocate, présidente de l’association «Israël is Forever», et fille de Jacques Kupfer. Au mois de janvier, elle a indiqué, photos à l’appui, qu’elle se trouvait avec d’autres militants au passage de Nitzana, à la frontière égyptienne, afin d’empêcher l’aide humanitaire de parvenir à Gaza. «Il est immoral de faire passer ces camions alors que nos otages sont encore aux mains des Gazaouis», avait-elle déclaré. Des manifestations qui ont en effet considérablement ralenti l’acheminement d’aide.
Depuis mars, elle est également active au sein du «programme d’Alya collective» Lekh Lekha, dont le but est d’organiser l’arrivée de familles françaises juives en Israël et dans les colonies de Cisjordanie, notamment à Tal Menashe et Alon Shvut.
Dans son courrier, l’élu LFI estime que Nili Kupfer-Naouri «a tenu, à plusieurs reprises, des propos qui pourraient constituer des infractions tant au regard du droit national qu’international, notamment en matière d’apologie de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité». Et assure avoir saisi la procureure de la République de Paris (via l’article 40 du code de procédure pénale) à ce sujet.
Il fait notamment référence à une intervention, en date du 26 octobre 2023, dans l’émission Morandini Live sur CNews, où Nili Kupfer-Naouri était invitée et où elle avait affirmé, à propos des civils Gazaouis : «Il faut aussi préciser que les alliés, à l’époque de la Seconde Guerre mondiale, avaient compris que les populations civiles étaient aussi responsables. […] La population civile a mis au pouvoir le Hamas sachant pertinemment quel était son programme, c’est-à-dire l’extermination d’Israël. […] Allez voir les manifestations du Hamas, il y a des enfants d’un an qui sont habillés aux couleurs du Hamas. […] Il y a une éducation à partir de la naissance pour la haine du juif dans les écoles, à partir des maternelles, ils apprennent comment organiser un commando pour attaquer des villages juifs et à tuer du juif. Je ne sais pas si vous avez entendu l’enregistrement d’un terroriste qui appelait à partir du téléphone d’une des juives qu’il a assassinées et il était fier de montrer à ses parents qu’il avait assassiné dix juifs. Et ses parents le soutenaient et lui demandaient de continuer. C’est ça, la population civile. Alors excusez-moi, mais il n’y a pas de population civile innocente à Gaza.» Ce à quoi Jean-Marc Morandini répond : «Ah non, pff… C’est compliqué de dire qu’il n’y a pas de population civile innocente à Gaza quand vous avez des enfants, des femmes, ce n’est pas audible…»
Ces propos, selon Thomas Portes, ont fait l’objet d’une mise en garde de l’Arcom. Ce que CheckNews est en mesure de confirmer. Le gendarme de l’audiovisuel nous a transmis une décision de janvier considérant que dans cette émission, le 26 octobre 2023, «les propos tenus par l’une des intervenantes incitaient à la haine et encourageaient à des comportements discriminatoires à l’encontre de la population civile de Gaza». Et de poursuivre : «L’Arcom a estimé que si ces propos avaient suscité des réactions du présentateur de l’émission et d’autres intervenants présents en plateau, [elles] n’avaient pas été opposées avec suffisamment de fermeté. En conséquence, l’Autorité a fermement demandé à l’éditeur du service de veiller au respect des obligations de sa convention.»
«Plus de voisins barbares»
En mars, Thomas Portes avait également isolé une séquence diffusée par Studio Qualita (un média à destination des immigrants juifs en Israël). En l’espèce, une interview où Nili Kupfer-Naouri assurait : «Nous ne voulons plus de voisins barbares, nous comprenons que nous devons obtenir notre sécurité et c’est par l’émigration en masse des Arabes de Gaza et une installation juive.»
Le député précise auprès de CheckNews n’avoir reçu aucune suite de la part du parquet de Paris quant à ces signalements. Sollicité, le parquet a indiqué se renseigner mais n’a pas encore apporté d’éléments concernant ces saisines.
Sollicitée à plusieurs reprises, l’association «Israël is Forever» n’a pas donné suite. Sur les réseaux sociaux, Nili Kupfer-Naouri a indiqué, en réaction aux positions des élus LFI : «Certains, comme Rima Hassan, Thomas Portes et Taha Bouhafs, voudraient faire interdire le gala d’Israël is Forever. La puissance d’Israël les dérange, la voix juive sioniste les perturbe, la force des juifs fiers de leur identité les ébranle. Notre réponse est claire : personne ne fera plier l’échine à la communauté juive de France !»
Ni le quai d’Orsay ni la préfecture de police de Paris n’ont répondu à CheckNews concernant la venue en France du ministre Bezalel Smotrich. D’après nos informations, à cette heure, aucun retour n’a été fait non plus au député Thomas Portes suite à son courrier.