Qu'en pense celle qui aurait bien voulu le rencontrer ?...
Présidentielle américaine 2024 : «
La rhétorique autoritaire de Donald Trump a donné naissance à une nouvelle génération de fascistes»
Depuis le début de la campagne, les militants d’extrême droite donnent de la voix pour leur champion, le candidat républicain. Patriot Front, Blood Tribe ou encore Goyim Defense League…
Pour «Libération», le sociologue américain Randall Blazak analyse la genèse de ces groupuscules haineux.
Faire flotter au vent la croix gammée lors d’une parade en bateau en Floride. Défiler dans les rues de Springfield dans l’Ohio armé de fusils automatiques tout en enchaînant les saluts nazis. Faire «la chasse» aux membres de la communauté haïtienne ou aux employés fédéraux de la FEMA (Federal Emergency Management Agency) venus déblayer les routes après le passage de l’ouragan Hélène. Patriot Front, Blood Tribe, Goyim Defense League ou encore Proud Boys… Les militants d’extrême droite, de l’Alt-Right au mouvement QAnon, ont le vent en poupe.
Galvanisés par les quatre années au pouvoir de Donald Trump, chauffés à blanc durant le mandat de Joe Biden, ils se mobilisent depuis des mois, multipliant les actions coup-de-poing et les rassemblements.
Suprémacistes, antisémites, militants antiavortement, racistes, néonazis… Tous partagent le même objectif : faire élire une nouvelle fois le milliardaire de 78 ans à la Maison Blanche. A deux semaines de l’élection présidentielle, les sondages placent Kamala Harris et Donald Trump au coude à coude. Mercredi 23 octobre, la candidate démocrate a fustigé comme jamais auparavant son adversaire républicain, qu’elle a dépeint comme un danger pour la démocratie, un «fasciste» en quête de «pouvoir absolu».
Randall Blazak est professeur de sociologie à l’université d’Etat de Portland. Ce chercheur spécialisé sur le suivi des groupuscules haineux a notamment travaillé au National Institute of Justice et au Southern Poverty Law Center.
Comment expliquez-vous l’émergence de nouveaux mouvements d’extrême droite aux Etats-Unis ?
Ces nouveaux groupes racistes, qu’on qualifie aussi de «suprémacistes blancs 3.0», sont le résultat d’un certain nombre de facteurs liés à l’évolution rapide de la culture américaine. Le principal facteur est le déclin du statut conféré aux hommes blancs hétérosexuels, alors qu’à l’inverse les femmes, les personnes de couleur et les LGBT + gagnent en statut social. Cette évolution, conjuguée au déclin de la mobilité économique des jeunes adultes et à la rhétorique autoritaire de Donald Trump, a donné naissance à une nouvelle génération de fascistes.
A partir de 2015, Donald Trump a commencé à intégrer les points de discussion du mouvement suprémaciste blanc. En 2024, ses propos alarmistes contre les immigrés sont tout droit sortis des thèses du Ku Klux Klan. Il faut avoir en tête que l’Amérique est un pays avec une culture qui valorise l’individualisme et non la cohésion ni l’intérêt de la communauté. Il y a d’’innombrables identités extrémistes, chacune avec une certaine saveur locale.
En quoi le Parti républicain légitime-t-il les actions récentes menées par des groupuscules tels que le Patriot Front ?
Le Parti républicain est désormais divisé en deux factions, le parti de Liz Cheney [républicaine modérée qui soutient Kamala Harris, ndlr] et le parti de Donald Trump, ou MAGA GOP [Make America Great Again Grand Old Party, ndlr]. Il légitime pleinement les actions des nouveaux groupes haineux en ne les dénonçant pas publiquement comme des atteintes aux valeurs américaines et aux valeurs conservatrices. Le silence est une complicité et leur absence de réaction est perçue comme un feu vert à l’extrémisme des mouvements dits «patriotes».
Peut-on dire que ces mouvements ont pris de l’ampleur depuis l’assaut du Capitole le 6 janvier 2021 et cela malgré les nombreuses condamnations qui ont suivi ?
Nous ne savons pas s’ils ont pris de l’ampleur. Mais une chose est sûre, c’est que depuis 2021, les groupes extrémistes sont devenus davantage un mouvement culturel. Il existe toujours des milices et des groupes de nationalistes blancs, mais la plus grande menace est la masse d’individus non affiliés qui ont adopté la même idéologie, notamment via des plateformes de réseaux sociaux, telles que les plateformes Gab ou encore 4chan.
Quel est, selon vous, le lien entre l’idéologie nazie et les plus ardents défenseurs de la Constitution américaine et du deuxième amendement ?
Il existe un modèle de type «entonnoir», qui va de pair avec la participation à une milice aux Etats-Unis. Les individus y entrent, attirés par des questionnements relativement courants, comme le droit à posséder des armes à feu. Et certains s’enfoncent dans la rhétorique antigouvernementale, qui tombe rapidement dans le monde des théories du complot. A l’échelon suivant, ces théories deviennent des conspirations antisémites, telles que «Les Juifs veulent me retirer mes armes». Et tout en bas de cette pyramide, on trouve ceux qui croient en un renversement violent du gouvernement et de l’Etat fédéral, qui est selon leur logique bien évidemment contrôlé par les Juifs.
Les facteurs économiques sont toujours les raisons principales de la colère. Entre les taux d’intérêt élevés, l’inflation et le coût du logement, il est encore moins probable qu’un jeune homme ait accès à une carrière stable et à la propriété. Joe Biden s’est également fait le champion de la diversité, de l’équité et de l’inclusion, que les extrémistes de droite présentent comme une guerre à l’encontre des hommes blancs hétérosexuels.
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