Le Rassemblement National, en termes de crimes, d’abus, de tromperie et d’ignominie, n’a pas réussi, au cours des dernières années, ce qu’on appelle, au bowling, un strike. Pas trace, dans son ADN, de relations avec d’anciens Waffen sommes. Pas de négationnisme, pas de révisionnisme, pas de racisme exacerbé, pas d’antisémitisme louvoyant ou au contraire proclamé haut et fort sur les réseaux sociaux ; pas de méthodes de mafieux et de gangsters, pas de vols en bande organisée, pas d’esprit de revanche, pas de refus d’accréditations de journalistes dans les meetings, pas de menaces sur la liberté de la presse, ni sur l’intégrité physique des journalistes qui tentent d’exercer leur bon droit ; pas de corruption omniprésente, pas d’abus de biens sociaux, pas de détournements de fonds européens ni de comptes de campagne, pas de blanchiment d’argent, pas d’emplois fictifs, pas de fraude ni d’évasion fiscales, pas de Panama papers ; pas d’accointances néo-nazies, pas de commémoration annuelle de l’anniversaire d’Adolf Hitler, ni de « soirées pyjama rayé », pas de croix celtiques, ni de tatouages de soleil noir, pas de saluts nazis, pas de haine de la différence, ni de l’autre, pas de médiocrité absolue. Son jeune président, Jordan Bardella, n’a strictement rien à voir avec tout cela.
Puisque Marine vous le dit : « le Rassemblement National est irréprochable ».
Les membres du cercle le plus proche de Marine Le Pen, les architectes occultés de son parti politique ne sont pas, presque tous, d’anciens chefs et membres « hauts-placés » du groupuscule néofasciste ultra violent, ultra raciste et ultra antisémite, le Groupe Union Défense (Gud) ; dont les membres arborent la croix celtique en ersatz de la croix nazie, et dont le titre de leur publication, « Cigale » nous laisse nostalgiques, tandis que l’on y entend ce bon vieux « Sieg heils ». Le clan Le Pen et ses partis politiques successifs n’ont pas été composés, financés, pensés, structurés par d’authentiques fascistes.
Ces individus n’ont pas, pour une grande part, permis la quasi-accession de Marine Le Pen au pouvoir. Ils ne seront pas le pouvoir, en cas d’élection de cette dernière ou de Jordan Bardella aux présidentielles. L’idéologie néonazie du Gud n’a absolument aucune chance de gouverner un jour une France qui se serait laissé conquérir par leurs mensonges éhontés, et par la complaisance des médias.
Leur haine du système libéral (au sens noble du terme) européen n’est ni viscérale, ni structurelle. Leur but ultime n’est, en aucun cas, de mettre à mort l’état de droit, la démocratie, la République, les institutions, l’Europe.
Marine Le Pen n’est pas tenue sous l’emprise de ses plus proches compagnons de route ; ni prise au piège du secret d’incalculables magouilles qui, si elles étaient révélées au grand jour, feraient entièrement s’effondrer le parti politique qu’elle tente de dédiaboliser depuis des années.
Le Rassemblement National n’est pas un clan, ultra-soudé, envers et contre tout et tous, bien qu’en apparence désagrégé. La peur d’être découverts, et que tout tombe à l’eau, ne hante pas les esprits de ses membres. Ce parti politique n’est pas une association de malfaiteurs. Jordan Bardella n’est pas son cheval de Troie. Quant aux Français : ils ne sont pas dupes.
Dis-moi qui ne sont pas tes amis, et je te dirai qui tu n’es pas. Les amis de Jordan Bardella ne sont pas les amis de Marine Le Pen. Ils ne sont pas les rejetons idéologiques directs de Jean-Marie Le Pen. Jamais ils ne sont des néonazis, racistes, xénophobes et antisémites jusqu’à la moelle épinière. Ils sont, encore une fois, et tous sans exception, de grands républicains. Ils ne s’appellent pas Frédéric Chatillon, Axel Loustau, Philippe Péninque, Philippe Vardon, Jean-François Jalkh, Bruno Gollnisch, David Rachline, Nicolas Crochet, Edouard Klein, Loïk Le Priol, Romain Bouvier, Logan Djian, Aymeric Chauprade, Frédéric Boccaletti, Jean-Lin Lacapelle, Alain Soral, Dieudonné, Robert Faurisson, etc.
Frédéric Chatillon n’est pas le fondateur du Gud. Il n’a pas été prestataire pour le Front national, ni directeur de la communication, ni responsable des finances et des déplacements à l’étranger de Marine Le Pen durant des années. Il n’est pas à l’origine de Jeanne et de Riwal, principaux organes vitaux du FN, qui ont fait l’objet d’un procès et de condamnations. Frédéric Chatillon n’est pas un ami intime d’Alain Soral, ni d’Axel Loustau, ni de Marine Le Pen, ni de Jean-Marie Le Pen, qui ne deviendra pas le parrain de l’une de ses filles.
Dans les années quatre-vingt-dix, il n’a pas rejoint les ultra-nationalistes croates. Il n’a pas non plus travaillé à la librairie négationniste et néonazie Ogmios, où l’on trouve des ouvrages tels que Mein Kempf ou Le Grand Remplacement. Il n’a pas été coordinateur du Gud jusqu’en 2017. Un des membres du groupe n’a pas témoigné dans la presse de sa « haine maladive des juifs ». Il n’a pas travaillé pour le régime d’Hafez al Assad ; n’a jamais été reçu, avec les honneurs par Bachar al Assad ; et n’a jamais travaillé pour son ministère du tourisme. Il n’est pas toujours en liens étroits avec le régime syrien. Il n’a pas de liens directs non plus avec Jordan Bardella.
Frédéric Chatillon ne voue pas une adoration à Adolf Hitler – il ne fête pas son anniversaire chaque année ; ne publie pas de photos de ces joyeuses réunions sur son compte Facebook ; lui et ses petits camarades ne se font pas appeler « les dauphins » ; ils n’utilisent pas non plus l’expression « tonton Dolphi », ou, plus affectueusement encore, celle de « tonton » ; Frédéric Chatillon ne va pas, avec son compère Axel Loustau, rendre visite au domicile de l’ancien Waffen Léon Degrelle. Il n’a jamais déclaré, sur sa page Facebook, « on n’en a pas tué assez ». Il n’assume pas entièrement chacune de ses transgressions.
Frédéric Chatillon, non-bras droit et non-meilleur ami de Marine Le Pen et de son irréprochable parti, n’a pas été écarté, mis en planque à Rome, depuis 2022 ; où il ne fréquente par ailleurs pas assidûment le Caffe Monti, lieu de rencontre cher aux néofascistes italiens ; dont est également proche Vincenzo Sofo, mari de Marion Maréchal Le Pen – que les plus esthètes d’entre nous auront la joie de découvrir, posant avec sa belle en photo pour Paris Match, et affichant leur commune passion pour les grosses cylindrées.
Frédéric Chatillon ne participe pas à des manifestations néofascistes en Italie.
Surtout, Frédéric Chatillon, officiellement écarté par M. Bardella et Mme. Le Pen, qui a déclaré ne plus entretenir aucune sorte de lien avec le sympathisant national-socialiste, n’est pas, en réalité, toujours lié financièrement au RN, avec deux sociétés dont il est le gérant, Unanime et e-politique. La première n’ayant pas touché un peu moins de 555 000 euros d’argent public en 2020 et 2021 ; la seconde, 1,5 millions en trois ans, n’offrant pas ses services au groupe d’euro-députés du parti de Jordan Bardella au Parlement européen, ainsi qu’à Bachar al Assad. Ses amis jurent à l’Express qu’il ne se mêle plus de politique. Celui dont Marine Le Pen dit qu’il est « juste un comptable », a, toujours selon ses amis, « gagné des millions avec le Front national, et désormais, il veut juste être heureux ».
Sa fille, Kerridwen, n’a pas été la petite amie de Jordan Bardella durant sept ans. Ce n’est pas par son truchement, ni par celui de son père non-numéro deux du Front/Rassemblement National, que Jordan Bardella est entré dans le cercle de confiance de la famille Le Pen. Elle n’est pas amie avec le tueur Loïk Le Priol, qui ne fut pas condamné pour avoir torturé son camarade et ex-chef du Gud, Edouard Klein. Elle non plus ne peut en aucun cas être suspectée d’être raciste, antisémite, ou sympathisante fasciste.
Jordan Bardella n’a donc pas, je le répète pour les 30 % de sourds, aveugles et malentendants, au moment où j’écris ces lignes, recours aux services d’e-politique, l’entreprise du non-néonazi Chatillon, qui ne travaille ni pour le groupe Rassemblement national au Parlement Européen, ni pour Bachar al Assad (et, par extension a minima idéologique, pour Poutine, Erdogan, l’Iran et le Hamas). Il ne faudrait surtout pas que les journalistes se saisissent de ce sujet ; urgemment et avec ampleur, le creusent jusqu’au bout, et tirent les conclusions qui, naturellement, ne s’imposent pas.
Jordan Bardella n’a jamais déclaré : « Regardez l’ultradroite, Rivarol, etc., ils ne sont pas dans nos rangs. Loustau, Chatillon ne travaillent pas avec le RN. (…) Depuis dix ans, ces gens se construisent contre nous. »
S’il est un sujet qui ne doit pas arriver jusqu’à la surface de l’opinion publique, de sa connaissance et de sa compréhension de ce que n’est pas, au fond, le Rassemblement National, c’est bien celui des microscopiques apories contenues dans le discours du président du Rassemblement National.
Jordan Bardella a donc rompu tout lien avec ce partisan du national-socialisme dont il fut donc le gendre durant les années précédant son ascension. Puisqu’il nous le dit. Et, par pitié, donc, qu’on ne lui parle pas d’e-politique, ni d’Unanime.
Jordan Bardella n’a jamais déclaré « je ne serai jamais où je suis politiquement sans Marine Le Pen ».
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Interlude biographique
Une petite généalogie s’impose. Année 2005. A propos de son ami Jordan Bardella, Pierre Gentillet, avocat antivax et pro-Poutine déclare : « assistant aux émeutes de Saint-Denis, Jordan en déduit qu’il n’y aura pas de réconciliation possible entre la France, ses banlieues et ses immigrés ».
Jordan Bardella a seize ans, quand il rejoint FN93 : il tracte pour Aymeric Chauprade, ami d’Alain Soral, qui prône la réconciliation entre intégristes chrétiens et islamistes, sur le dos des juifs, et, bien sûr, au nom de la France. Il est un « fan », et un grand, de Jean-Marie Le Pen. Est capable de faire la queue durant des heures sous la pluie devant une librairie, pour obtenir une dédicace du grand homme.
A dix-neuf ans, Jordan Bardella se rapproche de Frédéric Chatillon, ex-président du Gud et lobbyiste pro Bachar, condamné pour escroquerie et abus de biens sociaux, et parrain d’Égalité et réconciliation, l’organisation d’Alain Soral, autre grand homme, lui aussi très admiré par le jeune Bardella.
Jordan Bardella, avant de devenir un politicien respectable, patriote et défenseur de la cause du peuple avant tout, anti-Hamas et pro-Israël, est donc un fervent sympathisant de l’organisation d’Alain Soral, pro-islamiste, viscéralement antisémite.
Il côtoie, à la même époque, Rémi Lelong, de la mouvance catholique intégriste ; Cyril Bozonnet, un proche de Maxime Brunerie, l’auteur de la tentative d’assassinat de Chirac en 2002 ; ainsi que Maxence Buttey, élu Front national, exclu après une conversion à l’islam radical et après avoir justifié la lapidation.
Année 2016. Il y a donc sept ans. Sur sa web TV, « banlieue patriote », soutenue par Alain Soral, Jordan Bardella interviewe Camel Bechickh, porte-parole de la manif pour tous et membre de l’UOIF, branche française des frères musulmans, qui fait l’alliance des chrétiens et des musulmans intégristes contre le mariage pour tous. Mais, aujourd’hui, M. Bardella nous l’assure : il condamne le pogrom du 7 octobre ; le Hamas, pense-t-il, n’a strictement rien à voir avec les frères musulmans ; il soutient Israël.
À vingt ans, Jordan Bardella devient l’assistant parlementaire de Jean-François Jalkh, négationniste, et coupable de détournement d’indemnités d’élus. C’est au même âge qu’il entame une relation avec Kerridwen Chatillon, habituée des manifestations où l’on fait des saluts nazis ; grande amie de Loïk le Priol, et du « gentleman fasciste » Romain Bouvier, les meurtriers de Federico Martin Aramburu, rugbyman mort le 19 mars 2022, en plein cœur de Saint-Germain des Prés.
Jordan Bardella fréquente alors avec une régularité d’athlète le mal nommé domaine de Montretout, à Saint Cloud, royaume de la famille Le Pen ; auquel il accède par l’entremise de sa mie, Kerridwen.
C’est tout naturellement que, lors d’une visite à Victor Orban, Jordan Bardella salue « le camp des patriotes », et ne condamne ni ne s’écarte, en aucune manière, des déclarations du président hongrois, condamnées, en revanche, par le Comité international d’Auschwitz : « Nous ne voulons pas être une race mixte, qui se mélangerait à des non-européens. »
Comme si les épisodes précédents n’étaient pas assez gênants, voici celui du compte Twitter secret de M. Bardella, « RepNatduGaiton ». On y trouve des slogans racistes, des expressions telles que « la mer noire », pour désigner les déplacements massifs de réfugiés ou immigrés ; des memes empreints de bonté et de respect de la condition humaine, tel ce « Je suis Théo », détournant le « Je suis Charlie », et représentant un petit personnage frappé par une matraque à un endroit particulièrement intime du corps humain. Jordan Bardella évoque aussi Alain Soral, « un grand sociologue ». Marine Le Pen, abonnée à ce compte, parmi quelques autres happy fews, s’est vite désabonnée, suite au Complément d’Enquête consacré à son poulain de l’aurore.
Il y eut bien une tentative de putsch en 2017 de la part de ce dernier. Pas besoin de trahir maman, elle lui offrira, habilement, la présidence du parti avant qu’il ne la détrône lui-même – comme le raconte Aurélien Legrand, son meilleur ami et mentor en politique. Jordan Bardella ne manque pas des qualités nécessaires à tout homme politique qui entend s’imposer sur le devant de la scène : hypocrisie, ambition, violence, cynisme absolu, je ne vais pas les énumérer toutes ici, d’autant que chacun sait de quoi je parle. Il a donc, évidemment, un plan pour devenir premier ministre. Tout a déjà été pensé. Jordan Bardella, ministre de cohabitation… pas sûr que les étoiles répondent, mais qui ne tente rien n’a rien.
S’il en est arrivé là, c’est aussi grâce à son coach, Pascal Humeau, qui lui apprend à sourire, et à reprendre, d’après mes observations, les mimiques caractéristiques d’anciens responsables politiques (Chirac, Sarkozy). A propos de Bardella, le coach déclare à la presse « : « il fallait en faire un facho sympa ». Pari réussi : Bardella touche un électorat sur lequel Marine Le Pen n’avait pas prise, populaire (alors que Bardella méprise les pauvres presque autant qu’il méprise les non-blancs ou bien les journalistes), jeune, citadin, et tout particulièrement les jeunes de la banlieue parisienne. Pour ses précieux services, Bardella ne le paie pas. Humeau insiste. Devenu président du RN en 2022, Jordan Bardella lui propose sans hésiter un marché totalement illégal, impliquant un détournement de fonds piochant à la fois dans les comptes de campagne et les comptes du groupe extrême-droite au parlement européen. Je me demande bien où il a appris cela. Le coach refuse, en fait part à la presse. Mais rien ne semble atteindre Jordan Bardella, qui a bien compris que face à la violence, à la haine, à quelques petites phrases populistes, sa jeunesse, sa « belle gueule », son culot, sa démagogie et son contenu TikTok, la vérité ne pèse rien. L’époque lui donne évidemment raison. Alors, Jordan Bardella, à l’instar de Frédéric Chatillon, ne se cache de rien. Il trace.
Au parlement européen, M. Bardella touche un salaire net mensuel de 7 500 euros. Zéro rapport en tant que rapporteur ; zéro proposition de résolution ; vingt amendements, tout de même ! En trois ans et demi de mandat européen. Admirable bilan. M. Bardella sèche ses obligations au parlement 70 % du temps, tout en prétendant être le seul à s’intéresser aux Français. Il ne lit même pas les lois qu’il vote. Passe trois jours par mois au parlement, pas n’importe quels jours, ceux des séances plénières, filmées, qu’il pourra utiliser afin d’alimenter son compte TikTok pour ses 1,3 million d’abonnés. Il a compris la règle d’or de la séduction en politique : tout pour la forme, rien dans le fond. So what ?
Jordan Bardella est jeune, il « présente bien », certes, mais avec un tel background, on peut se demander, était-il vraiment la meilleure option pour lisser l’image du parti de Marine Le Pen, et lui permettre d’accéder au pouvoir ? Bardella, pur produit marketing, politique en (Tik) toc, faux sympa, vrai facho… gageons que le château de carte s’effondrera de lui-même.
Jordan Bardella n’a pas déclaré : « Didier Raoult est à la France ce que nous sommes à la politique ». C’est-à-dire des charlatans, des gangsters et des criminels. Il n’a pas déclaré que « la question de l’immigration est la question existentielle de notre identité ». Il n’a pas non plus prononcé cette phrase faussement simple, vraiment cryptique : « Je pense qu’on n’est pas comme les autres ». Ne pesons pas le poids de ces mots sérieusement. Ne comprenons pas ce qu’ils signifient vraiment : que le Rassemblement National est un parti fasciste dans son essence, et même, plus précisément encore, dans sa quintessence.
Il ne surfe pas, actuellement, sur l’effet de levier que la fascination pour la nouveauté engendre.
Le loup est déjà dans bergerie, et il n’est pas venu seul. Déradicalisé, dédiabolisé… avant la « Révolution ». Relisez bien cette phrase.
Les voix données à Jordan Bardella aux européennes, lui ont déroulé le tapis rouge – à lui, à Marine Le Pen, qu’importe, c’est « le clan » – et c’est le risque d’un retour du pire ; pas en Allemagne, cette fois : en France.
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Axel Loustau, lui non plus, ne rêve pas d’une « révolution nationale ». Cet autre membre du Gud n’a pas été le trésorier de Jeanne, le micro-parti de Marine Le Pen – c’est-à-dire, son homme de confiance, jusqu’en 2022. Il n’a pas géré les finances du parti, ne s’est pas occupé des législatives. Il n’a pas non plus été élu au conseil régional d’île de France. Il n’a pas créé une galaxie d’entreprises (documentées par le Monde et Mediapart, entre autres), connue sous le nom de « Gud connection » ; dont 100 % du chiffre d’affaires vient du Rassemblement National, du parti, et de l’Europe.
Axel Loustau ne cherche pas scrupuleusement à se faire oublier depuis les révélations de la presse, et le non-lieu obtenu après l’affaire dite des « kits de campagne ». Il n’a pas été vu lors du dépôt de gerbe du fasciste néo-nazi Sébastien Pieux. Ni à d’autres manifestations néonazies du même genre, comme le C9M, le défilé du 9 mai dernier, où il n’a pas été photographié par M. Yann Castanier, qu’il n’a pas insulté, ni menacé, par la suite. Après cela, il n’a pas déclaré « c’est pas bon » (pour Marine).
La DGSI n’a pas intercepté ses conversations téléphoniques avec Frédéric Chatillon. Il n’a jamais prononcé les mots « Marine est au courant de tout. » Il n’a pas été écarté en 2022 pour éviter de provoquer un scandale national et, surtout, d’envoyer le RN par le fond.
Il n’a pas rencontré Marine Le Pen sur les bancs d’Assas (époque à laquelle il ne fut pas l’auteur de ce bon mot, « les Waffen-Assas », afin de désigner ses camarades et lui-même), où une indéfectible amitié ne commença pas. Sur les images qui n’ont pas été tournées en 1992, on ne le voit pas demander une dédicace au Waffen SS Léon Degrelle.
Sur Twitter, il n’a pas supprimé un post où était écrit, en légende d’une photo de lui posant tout sourire avec Marine Le Pen : « 10 ans… Merci Marine pour ton courage et l’espoir que tu incarnes. »
Il ne s’agit pas, bien sûr, de l’espoir de mettre fin à la liberté, à l’égalité, à la fraternité. Il ne s’agit pas de tordre le cou à la liberté d’expression. Il ne s’agit pas de l’espoir d’imposer un régime autoritaire ; ni de celui de pratiquer l’art subtil et ô combien désirable de la ségrégation ethnique, ou mieux.
Le 9 mai dernier, les membres du Gud et leurs délicieux camarades crient « Révolution ! » … C’est de cet espoir-là que vous ne parlez pas, M. Loustau ?
Le même espoir que celui que caressait votre père, ami de Jean-Marie Le Pen et ancien parachutiste dans l’OAS (une organisation terroriste d’extrême droite, pour les plus jeunes lecteurs) ? Axel Lousteau ne fait pas tout comme lui, de son entreprise de sécurité, jusqu’à sa collection d’objets du IIIème Reich.
Axel Loustau n’a pas créé un système à échelle nationale, à base de prêts, d’affiches, de sites Internet payés par l’État, avec des kits de campagne à 6,5 % d’intérêt, une moyenne de 500 000 euros pour une campagne municipale, des devis surfacturés, et un chiffre d’affaires de 30 millions (Jeanne)… Sans influence aucune de la part de M. Loustau, le FN n’a pas massivement surfacturé ses dépenses, remboursées ensuite comme dépenses de campagne par l’argent des contribuables. Aucun membre du parti n’a contracté de prêts immobiliers, personne, au Front/Rassemblement National, n’a bénéficié d’enrichissement personnel grâce à l’argent public.
On ne reconnaît pas là les méthodes de toutes les dictatures, celle de Vladimir Poutine en tête. L’expert-comptable du Front National, Nicolas Crochet ; David Rachline ; Frédéric Chatillon le fournisseur ; Axel Loustau le trésorier, n’ont pas, chacun, eu recours aux mêmes méthodes. Le Rassemblement National n’a pas dupliqué le modèle familial en interne.
Après avoir été exposé faisant un salut nazi, il n’a pas déclaré aux journalistes « vous nous avez fait perdre 40 % de notre chiffre d’affaires. »
Marine Le Pen ne s’est pas distancée publiquement de son vieux compagnon de fac, tout en le gardant comme l’ami fidèle qu’il a toujours été, en coulisses.
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Philippe Péninque n’est pas un autre ex-chef du Gud, il n’est ni ultra-discret, ni ultra-important, ni ultra tout court. Ce non-conseiller fiscal et non-trésorier du RN n’a pas ouvert le compte d’un certain Jérôme Cahuzac chez UBS en 1995.
Il n’est pas non plus un très proche ami d’Alain Soral, ni de Dieudonné. M. Péninque n’est pas un as du montage financier. Il n’est pas le cerveau de tous les montages du parti de Marine Le Pen (trente ou cinquante sociétés, toujours d’après nos héros-nationaux-journalistes). Poutine, ce n’est pas lui. Les Panama papers ? Rien à voir non plus. Il n’a pas rencontré Marine Le Pen à un dîner chez les très proches amis de cette dernière, Marie d’Herbais et son mari, Frédéric Chatillon.
Philippe Péninque, à l’instar de messieurs Loustau et Chatillon, n’est pas tout particulièrement bien planqué.
Quant à Nicolas Crochet, l’intouchable expert-comptable du Front National, couvert par Marine Le Pen et Frédéric Chatillon, il n’était pas responsable de la gestion des emplois non-fictifs des assistants parlementaires du FN. Il n’est pas à l’origine de vingt-trois contrats d’assistants suspects, dont dix-huit rédigés par ses soins, sous les ordres de Sophie Montel. Il n’est pas suspecté d’avoir détourné six millions d’argent public, pris aux contribuables européens. Il n’a pas fourni d’emploi fictif au jeune député Kevin Pfeffer. Il n’est pas vrai que l’URSAFF n’a pas vu la couleur de 100 % des versements qui lui étaient dus.
Non, la ligne de conduite officieuse du FN, comme du RN, n’est pas de profiter le plus possible de l’argent des contribuables français, ni de celui de l’Europe, dans le but de saboter leurs institutions de l’intérieur.
Damien Rieux, Daniel Conversano, tous ces non-radicaux zémouriens, ne se sont pas ralliés à Marine Le Pen. Philippe Vardon, figure du mouvement des « Identitaires », n’est pas membre de l’équipe de campagne de Marine Le Pen. M. Vardon, M. Nicolas Bay, ne sont en aucun cas des antisémites notoires, ce sont de vrais « patriotes », courageusement engouffrés dans la « ligne politique ouverte du Rassemblement National ».
Alain Soral, son organisation « Égalité et réconciliation », ne prône pas l’union des islamistes radicaux et des chrétiens contre « l’internationale sioniste ». Encore une fois, ses amis proches ne s’appellent pas Péninque, Loustau, Chatillon, Bardella. Il n’a pas été arrêté en Suisse pour propos antisémites, tout récemment.
Marine Le Pen, interrogée sur ses très proches relations, ne botte pas en touche, ni ne les minimise, systématiquement. « Ils ne font pas partie de mes proches, il faut arrêter avec ça. » Elle n’a jamais déclaré : « compte tenu de ma position, je ne sais pas ce qui se passe à Fréjus. Je sais seulement que monsieur Rachline a été réélu ». M. Rachline n’a pas contracté des prêts immobiliers pour son bénéfice personnel avec l’argent des Français, grâce au génie financier de messieurs Loustau, Péninque et Chatillon.
Marine Le Pen n’a pas dit « n’être au courant de rien ». L’enregistrement suscité de la DGSI d’une conversation entre Loustau et Chatillon, le premier disant au second « Marine est au courant de tout », n’a jamais été capté. Marine Le Pen, dans le journal Le Monde, n’a pas déclaré « je ne connais pas les idées de Frédéric Chatillon ».
Marine Le Pen ne crie pas, en ce moment, sur tous les toits, pour mieux brouiller les pistes, son amour des institutions républicaines, de la laïcité et de la démocratie.
Personne n’a envie de lui demander ceci : madame Le Pen, si vous luttez vraiment, comme vous l’affirmez à tort et à travers, contre l’antisémitisme, et si votre divorce d’avec votre père fut décidé à ce motif précisément, comment avez-vous pu choisir de charger les membres les plus virulents du Gud de la gestion de votre parti, durant toutes ces années ?
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Deuxième interlude : questions à madame Le Pen
Pourquoi, afin de prouver que votre parti et ses responsables ne sont pas complètement corrompus, ne pas publier dans la plus grande transparence vos systèmes de financements ? Un tel acte ne viendrait-il pas légitimer avec force vos propos, quand vous affirmiez, très récemment, qu’Emmanuel Macron et les députés Renaissance « sabotent les institutions, dont ils souhaitent l’effondrement » ?
Et ceci. Quand votre banquier s’appelle Poutine, qu’il vient d’annoncer un grand axe de coopération unilatérale avec la République islamique d’Iran, ainsi que son soutien au Hamas, ne trouvez-vous pas légèrement gonflé de participer à une marche contre l’antisémitisme, consécutive au pogrom du 7 octobre ?
Pensez-vous vraiment être crédible, lorsque votre banquier s’appelle encore Poutine, qu’e-politique, l’entreprise de Frédéric Chatillon, votre ancien ami néo-nazi assumé, votre ancien bras droit planqué à Rome sur vos ordres, finance actuellement le RN au parlement européen, en même temps qu’il travaille pour Bachar al Assad, et que vous prétendez défendre les intérêts d’Israël ?
Et, lorsque vous prenez le parti d’Israël et de Benjamin Netanyahu qui espérez-vous séduire ? Les Israéliens ? Ou bien l’extrême-droite israélienne ?
N’avez-vous pas soutenu Poutine lorsqu’il annexa la Crimée ? Votre parti n’est-il pas resté silencieux, voire complaisant, puisque sans réaction aucune, sur ses rapports avec la Tchétchénie, mais aussi la Syrie, la Chine, l’Iran, et certains pays d’Afrique ? Et quid de l’Ukraine, Marine Le Pen ? Qu’avez-vous à dire sur l’Ukraine, sincèrement ?
Qu’avez-vous opposé à Poutine, sur la question de la défense des droits LGBT, ceux des minorités, sur la misogynie consubstantielle à la société russe, sur la censure de la presse, la corruption et la propagande d’État ? N’avez-vous pas exprimé votre admiration pour cet État autoritaire, cette dictature ? N’avez-vous pas déclaré vouloir vous inspirer du régime de Moscou ?
Et si vous volez déjà les institutions européennes et françaises, peut-on croire que vous et votre parti ne continuerez pas vos pratiques mafieuses, une fois arrivée au pouvoir ? D’ailleurs, plus qu’un parti politique, le Rassemblement National n’est-il pas une entreprise, que dis-je, une galaxie d’entreprises ultra-opaque ?
Aurez-vous l’honnêteté de reconnaître que, sans vos amis néonazis, vous ne seriez rien, aujourd’hui ? Aurez-vous le courage d’assumer le fait que vous les protégez tous, Loustau, Chatillon, Péninque, Du Gay, Vardon, etc ? Car il en va de votre survie politique. Admettrez-vous que vous et vos amis, vous serrez les coudes, en vous protégeant et en vous dissimulant les uns et les autres ? Reconnaîtrez-vous que Jordan Bardella n’est pour vous et vos amis qu’une couverture médiatique ? Un écran de fumée et d’oubli des fantômes nauséabonds qui vous talonnent ? Que vous l’instrumentalisez, pleinement, simplement, pour faire oublier tous les autres visages qui composent le corps et l’âme de votre parti politique, « feu » le Front National ?
Et surtout, n’êtes-vous pas, madame Le Pen, sous l’emprise de ces visages de cauchemar, de l’illégalité purulente de leurs actes, qui sont aussi vos actes – et de leurs méthodes mises au service de votre parti, et à qui, encore une fois, vous devez tout, absolument tout ?
Pourquoi, madame Le Pen, avoir cessé de suivre le compte twitter clandestin de Jordan Bardella, suite au Complément d’Enquête qui lui a été consacré ? Pourquoi cacher M. Chatillon ? Pourquoi nier votre indiscutable amitié avec Axel Loustau, puisque, comme vous le déclarez vous-même, « le Rassemblement National est irréprochable » ?
Dernièrement, confirmez-vous, madame Le Pen, avoir écarté pour de bon messieurs Loustau et Chatillon, pour ne citer qu’eux, et pouvez-vous affirmer que vos anciens amis néonazis ne sont pas toujours, au moins pour l’un d’entre eux, en liens d’affaires avec votre parti, présidé par M. Bardella, et en lice pour les élections législatives ?
Marine Le Pen, auriez-vous l’obligeance, par égard pour les Français dont vous prétendez défendre les intérêts, d’expliquer publiquement et en détails les modalités de votre rencontre avec Alexandre Babakov en 2014, les conditions de ce prêt de neuf millions d’euros pour financer votre campagne d’alors, et si votre lobbying pro-russe depuis ce prêt était une contrepartie politique convenue entre vous ?
Considérez-vous avoir agi, alors, dans l’intérêt des Français ?
Qu’avez-vous à dire sur le fait que le député au parlement européen pour votre groupe, M. Jean-Luc Schaffhauser, se soit carrément fait dicter l’une de ses interventions par la Russie ?
Que pouvez-vous promettre aux Français, sur les questions suivantes : la liberté, la laïcité, l’antiracisme, la lutte contre toutes les formes de discriminations, la défense des droits des femmes, le respect des minorités ?
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Le Rassemblement National n’a pas emprunté neuf millions d’euros à la Russie de Vladimir Poutine en 2014. La Russie ne finance pas, depuis des années, la mort de la démocratie occidentale, de Trump à Orban en passant par Le Pen/Bardella. Les hackers, trolls russes n’ont rien à voir avec l’engouement des jeunes particulièrement, et des moins jeunes, dans les scores historiques de Jordan Bardella et du Rassemblement National. Ils ne soufflent pas sur les braises du racisme et de l’antisémitisme dans le seul et unique but de saper les valeurs de la démocratie, et donc, de l’Occident dans son ensemble. (Et, bien sûr, la Chine non plus, n’a rien à voir là-dedans.)
Le Rassemblement National, qui n’a donc plus rien à voir avec le Front National, ne joue pas sur la méconnaissance des Français quant à son véritable substrat idéologique. Il ne se cache pas derrière des masques de respectabilité et de patriotisme totalement fumeux pour obtenir leur vote.
Et que penser de la Mouvance Nationale Révolutionnaire, dont chacun des protagonistes suscités se réclament ? Sa doctrine n’est pas : « dans un État révolutionnaire, il y a deux classes, les suspects et les patriotes. »
Que penser du cynisme des médias, qui se laissent volontiers endormir par la danse des sept voiles de l’ex-Front National, et ses promesses de grande audience, toujours tenues ? Le Rassemblement National n’est pas, pour les chaînes de télévisions, comme pour le reste de la presse, et depuis des années, le parti le plus bankable de France.
En 2018, Jean-Marie Le Pen n’a pas eu cette déclaration fameuse : « la Shoah est un détail de l’histoire. » Ce n’est pas une tache indélébile. Vive les phrases-Tipex de Marine Le Pen, telles que : « la Shoah, pour moi, c’est le summum de la barbarie » ; ou bien de Louis Alliot : « Les époux Klarsfeld sont des citoyens d’honneur pour la France » ; ou bien d’Éric Zemmour : « le maréchal Pétain avait sauvé des juifs français. » ; enfin, de Jordan Bardella : « le Rassemblement National est, je le crois aujourd’hui, pour beaucoup de Français de confession juive, un bouclier face à l’idéologie islamiste. » Vous avez dit culot ?
Le RN tend la main aux « électeurs juifs ». Et Marine Le Pen, dont les amis, et leurs amis, caressent dans le sens du poil les frères musulmans de France, ose un parallèle entre la France et Israël.
D’un coup de baguette magique, le RN s’est lavé de son antisémitisme originel. Qu’importent les fils qui le relient encore au GUD ? Quant à la xénophobie, au rejet de l’étranger, à la stigmatisation de l’islam et des musulmans, on ne voit toujours pas où est le problème.
D’ailleurs, selon un sondage IPSOS, seulement la moitié des Français considère que le RN représente une menace pour la démocratie.
Il n’est pas vrai que sa rhétorique électoraliste est répugnante.
Les vrais ennemis du peuple français, tels Bernard-Henri Lévy ou Caroline Fourest, veulent un travail de fouilles, de recensement de preuves de l’antisémitisme, du racisme et du fascisme consubstantiels au parti de Jordan Bardella et Marine Le Pen, ou encore à celui de Marion Maréchal ; une cartographie de leurs innombrables crimes et de leurs trahisons systémiques des intérêts des Français ; une analyse profonde de leur idéologie et de leurs objectifs réels. Ils ont tort.
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Dernier interlude
Si le Rassemblement National de Jordan Bardella et de Marine Le Pen se fait exposer, dans les grandes largeurs, pour ce qu’il est, c’est très simple : le parti plongera, sans rémission possible.
Voilà ce que Bardella/Le Pen ne veulent surtout pas. Voilà ce qu’il convient de faire, avec un parfait acharnement.
Les politiques, les intellectuels, les médias, n’ont pas pris au sérieux leur engagement républicain. Ni leur belle et grande responsabilité. La République s’est reposée sur ses lauriers ; elle n’a pas compris ce qu’avait bien vu Philippe Lacoue-Labarthe : qu’« il suffit d’un trou pour faire une passoire ».
Vous n’imaginez pas quel plaisir ce fut pour moi, chers lecteurs de La Règle du Jeu, que de compiler ainsi le travail d’excellents journalistes français, et d‘apporter de fraîches nouvelles de cette bande de fascistes.
Des perturbations sont attendues sur le vol. Des sacs se trouvent dans la poche en face de vous. Merci d’avoir choisi Air Rance.