Si Ursula en avait on l'appellerait Ursule celui qui rit....
Sur le Mercosur, Ursula von der Leyen tente le passage en force
Alors que le traité de libre-échange avec l’Amérique du Sud, auquel Paris s’oppose catégoriquement, a été politiquement approuvé ce vendredi 6 décembre en Uruguay, la présidente de la Commission européenne semble profiter du chaos politique en France pour accélérer le mouvement.
Mais la bataille ne fait que commencer.
Ursula von der Leyen joue avec des allumettes près d’un baril de poudre. En donnant l’impression de profiter de la crise politique française pour conclure précipitamment, vendredi 6 décembre, un accord de libre-échange avec le Mercosur que Paris conteste, la présidente de la Commission prend un énorme «risque», comme on le souligne à Paris. Celui d’être désavoué par les Etats membres, mais surtout celui d’alimenter l’euroscepticisme hexagonal dont bénéficieront le Rassemblement national et La France insoumise, les deux responsables de la chute du gouvernement de Michel Barnier. La présidente de la Commission a d’ailleurs renoncé in extremis à assister samedi à l’inauguration de la cathédrale Notre-Dame de Paris, en raison d’une «mauvaise communication interne», a indiqué une porte-parole de la Commission.
«L’accord politique» entre les deux rives de l’Atlantique a donc été approuvé ce vendredi. Depuis la veille, la Commission n’en faisait plus mystère. C’est d’ailleurs pourquoi, jeudi, Ursula von der Leyen avait pris l’avion au débotté pour assister en personne au sommet des chefs d’Etat et de gouvernement du Mercosur (Argentine, Bolivie, Brésil, Paraguay et Uruguay), qui avait lieu vendredi à Montevideo, en Uruguay. Elle ne l’avait fait évidemment que parce que les négociateurs étaient tombés d’accord sur les derniers détails du texte en négociation, en réalité un «instrument additionnel» relatif à la lutte contre le changement climatique. En effet, le traité lui-même, qui porte sur la suppression de la plupart des entraves tarifaires et non tarifaires au commerce entre les deux blocs, a déjà été finalisé en juin 2019 et il n’a pas été rouvert.
«C’est le début d’une nouvelle histoire» avec «un accord qui bénéficiera aux deux» parties et «apportera des bénéfices significatifs aux consommateurs et aux entreprises» s’il est approuvé, a déclaré Ursula von der Leyen, lors d’une conférence de presse conjointe avec les présidents de l’Argentine, du Brésil, du Paraguay et de l’Uruguay pour annoncer l’accord conclu après 25 ans de discussions.
Elle a également affirmé que «les préoccupations de nos agriculteurs» ont été écoutées et que «cet accord inclut des garanties solides pour protéger nos moyens de subsistance».
Il ne s’agit pas pourtant pas d’une signature à proprement parler, celle-ci ne pouvant avoir lieu, avant ratification par le Parlement européen voire les parlements nationaux, qu’après accord du Conseil de l’Union européenne, l’organe où siègent les Etats membres.
Ce vote, à la majorité qualifiée (55 % des Etats représentant 65 % de la population de l’Union), n’interviendra qu’une fois que les Vingt-sept auront pris connaissance du texte négocié par la Commission, ce qui n’est pas le cas pour l’instant.
Paris s’est d’ailleurs empressé de rappeler que l’accord conclu vendredi restait «inacceptable en l’état». «La Commission a achevé son travail de négociation avec le Mercosur, c’est sa responsabilité, mais l’accord n’est ni signé, ni ratifié. Ce n’est donc pas la fin de l’histoire. Il n’y a aucune entrée en vigueur de l’accord avec le Mercosur», a tenu à souligner l’Elysée. Ce «n’est pas une signature de l’accord mais simplement la conclusion politique de la négociation.
Celle-ci n’engage que la Commission, pas les Etats membres», a ajouté la ministre déléguée au Commerce extérieur démissionnaire de la France, Sophie Primas, dans une déclaration transmise à l’AFP.
«Inacceptable en l’état»
En se rendant en Uruguay, techniquement, Ursula von der Leyen ne sortait pas de ses compétences, la Commission étant la seule négociatrice des traités commerciaux sous supervision des Etats. Mais cette subtilité juridique échappera aux opinions publiques qui y verront, à juste titre, un passage en force : la présidente de la Commission aurait pu se contenter de laisser les négociateurs constater l’accord technique. En se déplaçant, elle voulait clairement envoyer un message politique.
Ce n’est pas pour rien qu’Emmanuel Macron, en pleines consultations pour nommer un nouveau Premier ministre, l’avait jointe jeudi par téléphone lors de son escale à São Paulo, afin de lui répéter que le projet d’accord était «inacceptable en l’état».
Même s’il n’est pas certain que Paris ait déjà réuni une minorité de blocage (c’est-à-dire 35 % de la population représentant au moins quatre pays), la brutalité de la Commission, qui donne l’impression de chercher à profiter de sa faiblesse politique, pourrait l’aider à convaincre des hésitants.
Sous pression de l’Allemagne
Le mouvement de Von der Leyen est donc surprenant, d’autant plus qu’elle aurait pu attendre la prise de fonction de Donald Trump, le 20 janvier, le président élu étant fermement décidé à frapper de forts droits de douane les marchandises importées. Autrement dit, cet isolationnisme américain va rebattre les cartes du commerce mondial, ce qui devrait réveiller l’appétit des autres régions du monde pour les zones de libre-échange, cherchant à compenser le choc économique que cela va représenter.
Bref, politiquement, il aurait été plus intelligent de surseoir de quelques semaines. Mais voilà : l’Allemagne a besoin de cet accord avec le Mercosur pour pouvoir écouler ses produits industriels, ses voitures au premier chef. Les élections législatives anticipées de février s’annonçant difficiles pour le chancelier allemand Olaf Scholz, il a fait pression sur l’ancienne ministre de la Défense d’Angela Merkel pour qu’elle accélère le rythme, même au risque d’un désaccord majeur avec la France. Quelques minutes après l’annonce de la conclusion de l’accord, Olaf Scholz a d’ailleurs assuré qu’un «obstacle important a été levé», que désormais «l’accord politique […] est là» et permettra «plus de croissance et de compétitivité».
Mis à jour le 06/12/2024 à 17h32 avec confirmation de l’approbation de l’accord, réactions de Von de Leyen, de Paris et d’Olaf Scholz.
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