La présidente du Rassemblement national répond au Parisien – Aujourd’hui en France à l’occasion de la présentation, lundi, de son projet aux européennes.
Source:Le Parisien.
Les élections européennes du 26 mai prochain se rapprochent. Même si l’opinion publique semble n’y accorder pour l’heure qu’une attention relative, Marine Le Pen espère bien arriver en tête à l’issue du scrutin devant la liste LREM avec laquelle elle est à touche-touche dans les sondages.
La présidente du Rassemblement national (RN, ex-FN) nous présente en exclusivité son manifeste intitulé « Pour une nouvelle coopération en Europe », pierre angulaire d’un programme qu’elle dévoilera lundi à Strasbourg. L’occasion aussi pour elle, qui a reçu jeudi Le Parisien – Aujourd’hui en France dans son bureau de l’Assemblée nationale, de dire ce qu’elle attend, ou plutôt ce qu’elle n’attend pas, des annonces que doit faire Emmanuel Macron à l’issue du grand débat.
Vous présentez lundi un manifeste européen. Pourquoi ?
MARINE LE PEN:
"Ce document explique notre vision de l’Europe, ce n’est pas simplement notre programme. Nous y exposons de nouveaux concepts comme celui du « localisme » qui réconcilie l’économie et l’écologie. Il s’agit de construire un système dans lequel ce qui vient de près coûte moins cher que ce qui vient de loin et ce, afin de réindustrialiser les territoires. Autre concept : celui du « juste échange » qui s’oppose au libre-échange. Nous considérons que le commerce ne doit pas obligatoirement passer par une recherche du moins-disant social ou environnemental. Il faut réintégrer ces exigences dans la manière dont on commerce avec l’étranger."
L’idée qu’il faut des barrières environnementales ou sociales en Europe semble désormais faire consensus de gauche à droite…
"Oui, c’est drôle car ça n’a jamais été mis en œuvre au Parlement européen qui a toujours voté contre. La logique philosophique du Parti populaire européen (PPE) et du Parti socialiste européen (PSE), c’est la libre circulation totale des biens, des personnes et des capitaux. C’est leur dogme. Il y a une forme de contradiction majeure de leur part à exprimer qu’il faut des droits de douane qui tiennent compte du respect des normes environnementales ou sociales, tout en votant les accords de libre-échange."
Vous-mêmes ne faites-vous pas preuve de contradiction lorsque vous votez à Strasbourg contre le Passenger Name Record (document aérien qui détecte les possibles terroristes) ou contre la directive qui régule le statut des travailleurs détachés ?
"Non, absolument pas. Sur le PNR, nous avons voté contre, car l’idée que les terroristes prendraient l’avion est contredite par le réel. Nous y perdions la protection des données de 500 millions d’Européens au bénéfice des Etats-Unis qui, avec la Chine, sont en train de faire de nous une colonie numérique. Sur la directive détachement des travailleurs, on s’aperçoit que l’amélioration est réelle, mais anecdotique. Le système des travailleurs détachés est le plus pervers qui soit. Donc je ne vais pas voter pour son amélioration."
Nathalie Loiseau (LREM) propose la mise à niveau des cotisations sociales pour les travailleurs détachés afin de financer un fonds européen d’aide aux pays d’origine. Vous devriez y être favorable, non ?
"Je ne pense pas que ça aille dans le bon sens. Ça veut dire que l’on demande aux entreprises françaises de payer pour le développement de nos concurrents ! C’est quand même étonnant : ça fait 20 ans que je vois des responsables politiques qui cherchent à contourner des règles qu’ils ont eux-mêmes imposées."
Matteo Salvini, à côté duquel vous serez le 18 mai à Milan, a-t-il pris le leadership du populisme en Europe ?
"On n’est pas dans un concours ! Matteo Salvini est dans le gouvernement italien et, croyez-moi, je m’en réjouis. Ça lui donne plus de facilités à rechercher de nouveaux alliés afin de constituer le très grand groupe pour lequel nous nous battons lui et moi depuis un certain nombre d’années."
Vous croyez toujours en la possibilité de n’avoir qu’un seul groupe eurosceptique au Parlement européen, au lieu de trois actuellement ?
"Oui, je crois que c’est réalisable. Je ne dis pas qu’avec les Polonais (NDLR : du parti Droit et Justice), c’est facile. Mais l’union est un combat de tous les jours. Tout cela se déterminera après les élections en fonction du poids des uns et des autres.
Dans une interview à Valeurs Actuelles, Marion Maréchal dit : « Le positionnement populiste semble être une impasse électorale. Si l’on doit bien sûr défendre les classes populaires, on ne peut pas faire l’économie de s’adresser à la classe moyenne et haute.»"
Qu’en pensez-vous ?
"Je crois qu’elle commet une erreur d’analyse sur le concept de populisme que, par ailleurs, nous n’avons pas repris à notre compte. Le populisme, ce n’est pas le fait de défendre les pauvres ou les chômeurs. Le populisme, tel que le conçoit Matteo Salvini, c’est le fait de défendre le peuple. Dans le peuple, il y a aussi les classes moyennes. Il y a même les classes supérieures. Reste que le rôle d’un dirigeant politique est d’aller au chevet de ceux qui en ont le plus besoin. C’est ça la grandeur d’un responsable politique."
Votre objectif reste-t-il, le 26 mai, de battre la liste LREM soutenue par Emmanuel Macron ?
"Cette élection européenne a deux enjeux : européen et national. Si Emmanuel Macron arrive en tête de cette élection, il se sentira légitimé à mettre en œuvre toutes les réformes inquiétantes qu’il a repoussées après les européennes. Il faut lui envoyer un signal. D’autant qu’il a refusé de retourner aux urnes par l’intermédiaire d’une dissolution de l’Assemblée nationale. Il a refusé de redonner la parole aux Français à l’occasion des Gilets jaunes."
Justement, il y a eu un grand débat national. Quelles annonces du président attendez-vous ?
"Absolument rien. Je ne crois pas du tout que les cahiers de doléances et les débats citoyens permettent de tirer un bilan des préoccupations des Français. La manière dont cela a été organisé, le fait que les questions étaient contraintes : tout a été précisément fait pour qu’aucune revendication ne puisse véritablement émerger. Une très large majorité des Français sont pour le RIC (référendum d’initiative citoyenne). C’est drôle, mais cela n’apparaît pas dans le rendu du grand débat ! Les Français ne veulent plus d’immigration supplémentaire. C’est drôle, mais là non plus !"
Une préoccupation exprimée dans le grand débat est la prise en charge de la dépendance. Comment la financer ?
"Il faut taxer à hauteur de 5 % du chiffre d’affaires les GAFA (NDLR : Google, Apple, Facebook, Amazon). La taxation proposée aujourd’hui (NDLR : 3 % dans la loi) pour certaines entreprises) est dérisoire."
Jean-Marie Le Pen achève mardi sa carrière politique à l’occasion de la dernière session du Parlement européen. Lui tirez-vous votre chapeau ?
"Bien sûr. Je ne peux que lui tirer mon chapeau pour l’ensemble de sa carrière. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il a combattu. Si la grande et belle idée de nation est aujourd’hui aussi prisée, c’est parce qu’au moment où son idée même était considérée comme un concept ringard, il l’a défendu. Il a soufflé sur la petite flamme de la nation qui reprend aujourd’hui toute sa place."
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