Viktor Orban s'eloigne chaque jour un peu plus de la famille des chretiens-democrates (PPE) auquel son parti, le Fidesz, appartient.
Source:Le Point.Les migrants, la Chine, l'alliance avec Salvini... Viktor Orbán est aussi engagé dans la campagne des européennes que l'est le président Macron. Les coups pleuvent. Orbán, qui tient à rester poli, ne mâche pas ses mots tant à l'égard de la France, que de l'Allemagne et de la Commission de Bruxelles. Aussi quand Emmanuel Macron envisage de « remettre à plat l'espace Schengen », le Premier ministre hongrois comprend très bien qu'il est visé.
« Nous respectons le président Macron, mais heureusement la France ne jouit pas d'un statut particulier dans l'Union européenne, gronde l'homme fort de Budapest sur les ondes de Kossuth radio, le 3 mai. S'ils veulent s'écarter de la réglementation Schengen actuellement en vigueur, ils doivent d'abord modifier l'accord de Schengen. Cela n'arrivera pas et je lui conseille de ne pas essayer. »
Le chef de l'État français, comme la liste LREM conduite par Nathalie Loiseau, propose en effet de débloquer la réforme de l'asile et de l'immigration en sortant de l'espace Schengen les États membres qui ne remplissent pas les obligations de responsabilité (contrôle rigoureux des frontières) et de solidarité (une même politique d'asile avec les mêmes critères d'accueil et de refus). Techniquement, la proposition d'Emmanuel Macron sera de toute façon difficile à mettre en œuvre étant donné que la Convention de Schengen a été incorporée au traité européen en 1997. Or une révision des traités exige l'unanimité des États membres...
Orbán prépare ses alliances vers l'extrême droite:
Dans cette campagne, Viktor Orbán lâche ses coups et s'éloigne chaque jour un peu plus de la famille des chrétiens-démocrates (PPE) auquel son parti, le Fidesz, appartient. Le leader hongrois tisse, au grand jour, de nouvelles alliances avec l'extrême droite.
Le lundi 6 mai, il recevait le vice-chancelier autrichien Heinz-Christian Strache, du FPÖ, l'allié extrémiste du chancelier Kurz, quelques jours après avoir reçu Matteo Salvini, le leader de la Lega, allié de Marine Le Pen.
« S'il est possible en Autriche de coopérer avec un parti de droite patriote – pour un parti gouvernemental de centre-droit –, pourquoi cela ne pourrait-il pas se produire également au niveau européen ? a-t-il déclaré à la sortie de cet entretien avec son hôte autrichien. [...] Ce qui fonctionne à Vienne pourrait également fonctionner à Bruxelles. » En clair, Viktor Orbán appelle le PPE à composer une majorité avec les partis nationalistes plutôt qu'avec les sociaux-démocrates, les libéraux ou les écologistes qu'il a en horreur et qu'il qualifie de « partis immigrationnistes ».
C'est à cette occasion qu'il a également déclaré qu'il retirait son soutien à la candidature de Manfred Weber à la présidence de la Commission. Rien ne va plus entre les deux hommes depuis que le PPE a été contraint de suspendre le Fidesz (avec son accord pour sauver les apparences) à la suite d'une campagne d'affichage mensongère à l'égard de Jean-Claude Juncker. Selon nos informations, Orbán préférerait la candidature de... Michel Barnier ! Le choix peut surprendre, car le négociateur du Brexit est sans doute encore plus europhile que Weber et se situe à l'opposé des conceptions illibérales du Premier ministre hongrois.
En fait, Barnier a toujours bien traité la Hongrie, pays qui a besoin de reconnaissance et de considération. La méthode Barnier, faite d'humilité et d'écoute, a toujours séduit Orbán. Du reste, en 2014, Viktor Orbán avait déjà soutenu la candidature de Michel Barnier à l'investiture du PPE (contre Juncker), allant jusqu'à afficher sur sa veste un badge de soutien au Français. Orbán ne fait jamais les choses à moitié : quand il aime, il ne mégote pas son soutien. L'inverse est aussi vrai...
L'Allemagne dans le collimateur:
Les fonctionnaires de Bruxelles en savent quelque chose. Dans cette campagne européenne hongroise, l'homme fort de Budapest leur réserve quelques remarques au vitriol. « À Bruxelles, le plus gros problème est qu'il y a des politiciens favorables à l'immigration qui ne se souviennent plus de la dernière fois où ils ont vu une personne réelle, de la dernière visite d'un village ou d'une ville d'un État membre pour faire face aux vrais problèmes de la vie quotidienne, lance-t-il, sans craindre la caricature. Ils sont assis dans leur bulle depuis longtemps, prisonniers de leur propre façon de penser et parlent une langue que nous ne comprenons pas. Cela m'a pris des années pour l'apprendre. [...] cette langue est le bruxellois. »
Jusqu'ici, Viktor Orbán avait pris soin de ne jamais attaquer Angela Merkel ou l'Allemagne trop directement, notamment parce que son économie en dépend. Là aussi, le ton a changé. On sait qu'il reproche à la chancelière d'avoir décidé seule, et sans concertation avec ses voisins européens, d'ouvrir ses portes aux centaines de milliers de réfugiés syriens. Cet épisode ne passe pas et Viktor Orbán l'a toujours en travers de la gorge. « Ils les ont laissés entrer, puis se sont rendu compte que c'était un problème et ils veulent maintenant les répartir ailleurs, croit-il savoir. Ils veulent se débarrasser d'eux. Ainsi, bien qu'ils invoquent des arguments humanitaires, il s'agit en fait d'une réaction anti-immigrée pure et simple. [...] Je ne pense pas que ce soit une bonne approche. S'ils les ont laissés entrer, ils devraient les garder. »
De Salvini à Trump:
Le Premier ministre hongrois entend aussi corriger l'image d'un régime qui n'aurait aucune humanité vis-à-vis des migrants. C'est au nom de son devoir de chrétien qu'il dit avoir développé le programme « Hungary Helps » qui finance des aides humanitaires en Syrie dans le but de permettre aux communautés chrétiennes de rester dans la région et de regagner leur domicile.
Après avoir fait l'éloge de Salvini, Orbán tend la main au président Trump. Il est attendu le 13 mai à la Maison-Blanche pour une visite officielle. « Au sein de l'ONU, nous appartenons à un groupe qui cherche à bloquer les efforts internationaux visant à encourager la migration et à la diffuser dans le monde entier, indique-t-il lorsqu'on lui demande le menu des discussions.
Par conséquent, l'une des questions les plus importantes de notre réunion sera de savoir comment nous pourrons coopérer à l'avenir dans les forums internationaux dans le cadre de la lutte contre la migration. Et bien sûr, il y aura aussi des problèmes économiques, car les relations économiques américano-hongroises progressent à merveille. Après l'UE, les États-Unis sont l'un de nos partenaires les plus importants, voire notre seul et unique partenaire. »
Mais Orbán espère aussi beaucoup de la Chine et de son projet des « nouvelles routes de la soie ». Il fait partie du groupe des pays européen, dit « groupe 16 + 1", qui est en relation avec Pékin. Il considère que l'Europe a tort de diaboliser la puissance économique de la Chine et il entend bien tirer parti de la situation géographique centrale de la Hongrie pour récolter les fruits des nouvelles routes de la soie.
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