Ukraine : le pro-européen Arseni Iatseniouk nommé au poste de Premier Ministre
Le conseil du Maïdan, qui rassemble les leaders politiques de la contestation ukrainienne, de la société civile et des groupes radicaux, a annoncé mercredi 26 février avoir désigné le pro-européen Arseni Iatseniouk comme Premier ministre, lors d'une déclaration à Kiev.
Cette annonce faite par un responsable sur l'emblématique place de l'Indépendance (Maïdan) devant des dizaines de milliers de personnes, doit encore être confirmée au parlement jeudi.
Par ailleurs, des personnalités du Maïdan se sont vu proposer des postes symboliques au gouvernement, comme Dmytro Boulatov, opposant torturé pendant la contestation, au ministère de la Jeunesse et des Sports.
Le député Andriï Paroubiï, "commandant du Maïdan", très respecté, y compris parmi les éléments les plus radicaux, devrait prendre la tête du Conseil national de sécurité et de défense.
La journaliste Tetiana Tchornovol, une journaliste engagée victime d'une sauvage agression en décembre, qui serait liée selon l'opposition au thème sensible de ses investigations, devrait elle diriger un comité anti-corruption créé pour l'occasion.
Qui est Arseni Iatseniouk ?
Juriste et économiste à l'ascension politique fulgurante, il s'est imposé comme l'un des leaders du mouvement qui a provoqué la chute du président Viktor Ianoukovitch.
Il est parfaitement conscient des difficultés qui l'attendent, prévenant même mardi que les personnes qui accepteraient de rentrer au nouveau gouvernement "vont sauver le pays, mais aussi commettre un véritable suicide politique", puisqu'il va falloir prendre des décisions politiques "extrêmement impopulaires mais qui sont les seules possibles" dans un pays au bord de la faillite.
A 39 ans, Arseni Iatseniouk a déjà été ministre de l'Economie et des Affaires étrangères. Il a surtout adopté une posture très ferme dans la crise politique actuelle, tranchant avec une image que certains trouvent un peu lisse, refusant notamment l'offre de Viktor Ianoukovitch de devenir Premier ministre d'ouverture en janvier.
Fin janvier, il avait notamment promis de poursuivre la contestation exhortant les opposants à aller "tous ensemble de l'avant, même si le résultat est une balle en plein front".
Mardi, il a demandé au parlement de voter une résolution pour que le président déchu Viktor Ianoukovitch soit jugé par la Cour pénale internationale à la Haye, évoquant "un pouvoir basé sur la corruption et les tueurs". Au parlement, Arseni Iatseniouk, avec ses petites lunettes fines, ses cravates et ses costumes impeccables tranche sur les autres leaders de la contestation, à la tenue beaucoup plus négligée.
Bien moins connu du grand public à l'étranger que l'ancien champion de boxe Vitali Klitschko, autre leader de l'opposition, Arseni Iatseniouk, à l'image de "banquier intellectuel", selon l'hebdomadaire Focus, est cependant un personnage familier des cercles diplomatiques.
À la présidence, il obtient 7% des voix en 2010
Ministre de l'Economie entre 2005 et 2006 puis brièvement ministre des Affaires étrangères en 2007, il a notamment négocié l'entrée de l'Ukraine dans l'Organisation mondiale du Commerce et le développement des relations avec l'Union européenne. Une expérience qui pourrait s'avérer précieuse alors que l'Ukraine est au bord de la banqueroute, sans une rapide perfusion financière. Selon le ministre ukrainien des Finances par intérim, Kiev a besoin de 35 milliards de dollars sur deux ans.
"Depuis son indépendance, l'Ukraine n'a jamais connu une telle catastrophe économique et politique. Nous avons besoin d'une aide financière urgente de la part de nos partenaires européens et il faut reprendre immédiatement le programme de coopération avec le FMI", a souligné lundi Arseni Iatseniouk.
Originaire de Tchernivtsi dans le sud-ouest de l'Ukraine, il est devenu en 2001 ministre de l'Économie de Crimée, république autonome russophone au bord de la mer Noire.
Après un passage par la banque centrale, la Révolution orange le propulse en 2005 au poste de ministre de l'Économie. En 2007, Arseni Iatseniouk dirige la diplomatie du pays pendant quelques mois, affichant ses positions pro-occidentales et un certain souci de faire des économies: les médias avaient souligné alors qu'il utilisait souvent les avions de ligne pour ses missions officielles.
Elu ensuite à la tête du Parlement, il devient le deuxième personnage de l'État. Candidat à la présidence, il obtient 7% des voix en 2010 et décline la proposition du vainqueur Viktor Ianoukovitch de rejoindre le gouvernement.
Deux ans après, son parti, le Front pour le changement, décide de se dissoudre pour rejoindre Batkivchtchina (Patrie), le parti de Ioulia Timochenko, dont il prend les rênes à partir de 2011, quand l'ex-égérie de la Révolution orange est incarcérée. Arseni Iatseniouk est marié et père de deux enfants.