Ça ne changera sans doute pas grand chose au résultat mais ...
Européennes 2024 : Attal-Bardella, un débat qui a mis en difficulté le grand favori des sondages
A 17 jours des élections européennes, le débat ce jeudi soir sur France 2 entre Jordan Bardella et Gabriel Attal a tourné à l'avantage du Premier ministre, qui s'est montré offensif. Tour d'horizon des temps forts de ce duel.
D'entrée de jeu ce jeudi soir, Jordan Bardella, tête de liste du Rassemblement national pour les élections européennes, a tenté de poser le duel du jour sur des questions nationales, en expliquant qu'il a voulu débattre avec le Premier ministre car il y a une urgence, celle de « réconcilier les Français avec la politique ».
Une allusion directe à Emmanuel Macron dont l'une des ambitions était de réconcilier le peuple français avec ses dirigeants, lui-même ayant admis au moment de la crise des « gilets jaunes », ne pas avoir réussi.
« Sortir de la naïveté »
D'abord très sûr de lui, le président du parti d'extrême droite - qui a assuré « ne pas être contre l'Europe », mais vouloir en changer les règles ce qui, selon le programme du RN, reviendrait néanmoins à un Frexit sans le dire - a aussi d'emblée, sur le thème du pouvoir d'achat, appelé à « sortir de la naïveté », évoquant le décrochage de l'Europe par rapport aux Etats-Unis notamment et les droits de douane « que mettent toutes les grandes puissances ».
Réindustrialisation et emploi a tenté de répliquer Gabriel Attal, qui a, lui, immédiatement essayé de mettre Jordan Bardella en difficulté sur « la priorité nationale » dans la commande publique, une des propositions phares du RN.
«
Les autres pays européens feraient immédiatement la même chose », a-t-il fait valoir, prenant les exemples de plusieurs entreprises françaises qui ont remporté d'importants contrats en Europe, citant entre autres Alstom à Valenciennes. «
On a les meilleures entreprises, un vrai savoir-faire et vous voulez couper ces jambes-là », a pointé Gabriel Attal
face à un Jordan Bardella soudain fuyant. «
A chaque fois que vous n'avez pas de réponse, vous passez à un autre sujet », a souri Gabriel Attal.
Les risques de « submersion par les automobiles chinoises »
Et Jordan Bardella d'essayer de reprendre la main en évoquant à la fois le marché de l'électricité et les risques de « submersion par les automobiles chinoises », demandant, « quand une filière est en difficulté », de mettre des droits de douane « à 100 % ».
Et Gabriel Attal de répliquer en évoquant les giga-factories de batteries, ou encore le leasing social réservé à des véhicules français et européen puis la réforme du marché européen de l'électricité.
«
Y a-t-il un Français qui a vu sa facture d'électricité baisser ? », a pointé Jordan Bardella. «
Ce n'est pas moi qui suis élu au Parlement européen, c'est vous ! Vous ne lisez pas les textes avant de voter ? La réforme, elle entrera en vigueur en 2026 ! », a répondu Gabriel Attal, de nouveau sourire en coin.
Le président du RN s'est alors lancé dans une anaphore visiblement soigneusement préparée : « Je suis devant le Premier ministre dont la première décision a été d'augmenter de 10 % la facture d'électricité ; Je suis devant le Premier ministre dont le camp s'est fourvoyé sur le nucléaire. » Tout en assumant la fermeture de Fessenheim, Gabriel Attal a lui aussi renvoyé aux revirements du RN sur le sujet, rappelant les déclarations passées de Marine Le Pen sur le nucléaire.
Tenter d'inverser les rôles
Sur l'écologie, Gabriel Attal a mis en avant les propositions d'investissement de la majorité dans cette campagne européenne, affiché la baisse plus forte que prévu des émissions de gaz à effet de serre en France en 2023, tout en assumant de s'adapter par exemple avec les agriculteurs et en prenant ses distances avec la décroissance.
Sur ce sujet, Jordan Bardella, comme souvent depuis le début de cette campagne, a brandi l'interdiction des moteurs thermiques en 2035 pour fustiger les décisions prises par l'Union européenne avec Emmanuel Macron et « son projet caché fédéraliste », a-t-il attaqué.
«
Le RN, vous êtes contre tout, et puis, si dans dix ans vous vous rendez compte que c'est bien, alors vous changez d'avis ; Vous l'avez fait sur l'euro, sur le Frexit. La question, c'est quand est-ce que vous mentez ? Hier ou aujourd'hui ? », a cinglé le chef du gouvernement.
« Soyez élégant, vous êtes Premier ministre », a martelé un Jordan Bardella, qui a sans cesse tenté d'inverser les rôles, de vouloir se crédibiliser comme potentiel futur Premier ministre.
Le président du RN, dont c'était le programme présidentiel, a réfuté avoir défendu la sortie de l'euro puis a fini par répéter, pour la énième fois dans le débat : « Si vous n'aviez pas changé d'avis, on aurait fermé 14 réacteurs nucléaires. » Ceci, avant une passe d'armes sur le droit de veto, la taxe sur les transactions financières ou encore celle sur les géants du numérique.
«
Le 9 juin, c'est un référendum pour ou contre l'immigration »
Crispé face à un Premier ministre régulièrement tout sourire, Jordan Bardella a tenté de reprendre la main en fustigeant la politique d'un gouvernement « qui a mis des milliers d'agriculteurs en colère ».
Et Gabriel Attal de dérouler ses arguments sur la PAC, sur les bienfaits, a-t-il défendu, du Ceta, face à une tête de liste regardant ses fiches. Un peu comme Marine Le Pen lors du débat présidentiel de 2017 face à Emmanuel Macron.
Semblant retrouver de l'air au moment de débattre de l'immigration, Jordan Bardella a cogné sur tous les « records pulvérisés » selon lui par le gouvernement, sur les OQTF non exécutées, entre autres… « Le 9 juin, c'est un référendum pour ou contre l'immigration », a martelé, comme un slogan, le président du RN qui fait aussi de ce scrutin un référendum « anti-Macron ».
Tout en assurant que la France éloigne davantage de migrants irréguliers que l'Allemagne, Gabriel Attal, alors que la loi immigration a pu heurter une partie de l'électorat qui avait rejoint Emmanuel Macron en 2017, a alors lâché : «
On ne sera jamais d'accord sur l'immigration et c'est même une fierté ». Et il a dénoncé,
à l'inverse du RN, qu'il y ait derrière chaque immigré un « délinquant, un terroriste ».
« Votre projet, c'est un banco
Défendant le pacte asile et migration, Gabriel Attal a fustigé les propositions du RN «
sans queue ni tête et défendues par personne en Europe ». De quoi pilonner la mesure du RN d'une « double frontière »,
que Jordan Bardella a eu du mal à défendre concrètement. «
On va faire autant la queue en voiture à la frontière française qu'à l'aéroport ? », a cinglé Gabriel Attal.
« Vous jouez sur les peurs ! », a osé Jordan Bardella, sans répondre sur le fond.
«
On est passé d'un programme avec une double-frontière où on va contrôler tout le monde à un programme avec des contrôles aléatoires ? », s'est amusé Gabriel Attal avant de lâcher une formule, là aussi visiblement préparée : «
Votre projet, c'est un banco, vous grattez et il n'y a rien en dessous ! » «
Votre projet, c'est de faire rentrer tout le monde », a répliqué Jordan Bardella, qui a tenté de couper court en promettant à nouveau un référendum sur l'immigration « si nous arrivons au pouvoir ».
Un passage du débat qui s'est terminé par une longue passe d'armes à la fois autour de la politique de la Première ministre italienne Giorgia Meloni - « Votre amie et ses 500.000 régularisations », a envoyé Gabriel Attal -, de leur parcours familial et une fois encore, à l'initiative de Jordan Bardella, sur la délinquance et l'immigration.
« Liens » avec la Russie de Poutine
Il restait peu de temps pour débattre des questions de défense et d'Ukraine. Un échange ou plutôt un affrontement qui a très vite tourné autour des « liens » entre la Russie de Poutine et le RN et autour des votes du RN au Parlement européen.
« Ne soyez pas caricatural, vous êtes tellement prévisible […] ce n'est pas du niveau d'un Premier ministre d'avoir des arguments sous la ceinture », a soupiré Jordan Bardella avant de répliquer : « Qui a reçu sur son lieu de vacances à Brégançon Vladimir Poutine ? », faisant allusion à la venue du président russe auprès d'Emmanuel Macron en août 2019. «
J'ai un scoop ! Marine Le Pen, elle, est même allée le voir au Kremlin », a coupé Gabriel Attal.
« Je ne suis pas mal à l'aise, je trouve que le débat est petit », a encore essayé Jordan Bardella.
Gabriel Attal, un « pyromane », « un pompier »
Appelés à conclure en s'adressant aux jeunes - un des rares moments où Jordan Bardella a retrouvé un sourire conquérant -, la tête de liste du RN, exhortant, pour mobiliser, la jeunesse à aller voter, a pilonné en Gabriel Attal un « pyromane, car vous portez le bilan d'Emmanuel Macron en même temps qu'un pompier qui vole au secours de Valérie Hayer, [tête de liste de la majorité, NDLR] ».
« Si vous êtes là ce soir, c'est que vous engagez votre responsabilité », a aussi pointé le candidat du RN, alors que son parti à l'Assemblée fait pression pour une motion de censure. « Vous considérez en permanence que vous avez déjà gagné », a ironisé de son côté Gabriel Attal qui a assuré aux jeunes que le programme du RN serait une menace pour l'emploi s'il était appliqué.
Si, à l'aise, déroulant chiffres et arguments sans note, Gabriel Attal a semblé bien plus souvent dominer un Jordan Bardella crispé par sa volonté d'endosser déjà le costume, difficile de dire s'il aura réussi à faire bouger les lignes dans cette campagne où, lâche un ténor de la majorité, « les sondages, invariablement et immuablement, sont désormais tous raccords. »
Avant le débat, le sondage quotidien Euro-Rolling Ifop-Fiducial 2024 pour LCI, Sud-Radio, « Le Figaro » donnait 33 % d'intention de vote à Jordan Bardella contre 16 % à Valérie Hayer et 15 % à la tête de liste PS-Place Publique Raphaël Glucksmann.
https://www.lesechos.fr/elections/europ ... es-2096751