L’archéologie s’intéresse depuis peu à un épisode encore peu connu de l’antiquité : le règne des reines noires dans le royaume de Méroé. Près du Nil, l'antique ville de Méroé était la capitale d'un empire qui s’est développé pendant sept siècles, du IIIe siècle avant notre ère au IVe siècle.
Carte de la région
Cette civilisation et les monuments qu’elle a laissés furent découverts par Frédéric Cailliaud en 1822. L'explorateur a fait part de son admiration : « Mon premier soin fut de gravir une éminence pour embrasser d'un coup d'œil l'ensemble des pyramides. Je restais immobile de plaisir et d'admiration à la vue de ce spectacle imposant ».Pyramides de Méroé dans le désert soudanais
Les Méroïtes possédaient tout ce qui fait une grande nation, tant sur le plan des technologies que de la culture. Surtout, le pays se situait à un endroit stratégique des voies commerciales reliant Nord et Sud, Méditerranée et Afrique subsaharienne. Sur le plan politique, Méroé fut l’un des seuls royaumes à avoir donné le pouvoir suprême à des femmes, les « candaces ».
Candace terrassant ses ennemis en les tenant par les cheveux
En sept cents ans d'existence, le royaume des candaces va faire construire des dizaines de pyramides sur les bords du Nil. La nécropole de Méroé est un exploit architectural sans égal. En aval de la sixième cataracte du Nil, s'élèvent ainsi des pyramides originales. Pyramides du royaume de Méroé
De même, cette civilisation s’est dotée d’une religion et d’une écriture spécifiques, même si elles intègrent des éléments égyptiens. Des divinités autrefois locales reçurent un culte royal, comme Apedemak, le dieu à tête de lion. Bas-relief représentant le dieu Lion Apedemak
Les divinités égyptiennes comme Amon, Mout, ou Horus restent célébrés par les Méroïtes.Naqaa, temple d'Amon, Allée des Béliers
La création d'une écriture propre transcrivant la langue indigène est une autre caractéristique de la civilisation méroïtique. Plus de vingt-trois mille textes ont été retrouvés et sont en cours d’analyse. Cette écriture « alphasyllabique » a été déchiffrée par le Britannique Griffith entre 1909 et 1911.Stèle funéraire gravée en méroïtique cursif
L’écriture de Méroé comprend deux systèmes graphiques de vingt-quatre signes chacun, l’un hiéroglyphique, l’autre cursif, les hiéroglyphes étant réservés aux textes religieux.Syllabaire méroïtique
Civilisation brillante, originale, mais aussi culture guerrière. Les combats furent incessants sous le règne des candaces. Ces dirigeantes furent en fait des reines puissantes, mais aussi des stratèges dirigeant elles-mêmes leurs armées. La première de ces femmes à avoir bénéficié officiellement du titre de candace se nomme Amanirenas et aurait régné vers 25 avant notre ère. Son nom figure sur une stèle conservée au British Museum de Londres. Stèle du British Museum mentionnant la reine Amanirenas
Amanirenas osa défier Rome, son redoutable voisin, première puissance mondiale de l’époque, désireux d’élargir ses conquêtes. Il semble que ce soit les armées d'Amanirenas qui auraient défait les légions de Rome. Il faut se représenter ces candaces menant les combats montées sur des éléphants. Fabuleux spectacle !Naqaa, éléphant monumental
Quelques années plus tard, la nouvelle candace Amanishakheto aurait réussi à établir une paix durable avec l’Egypte romaine. Sa pyramide, située dans la nécropole nord de Méroé, a été pillée par l’Italien Giuseppe Forlini qui a revendu les pièces uniques dérobées au musée de Berlin, en particulier les bijoux de la reine. Bracelet de la reine Amanishakheto
D’autres candaces ont laissé des souvenirs durables de leur règne. Ainsi, la souveraine qui tient ses ennemis vaincus par les cheveux du temple de Naqaa est Amanitore. On lui doit les plus beaux sanctuaires de Naqaa, celui de la divinité du panthéon méroïte Apédémak, le dieu à tête de lion, et les temples de Moussawarat es-Safra avec leurs éléphants de pierre.Les reines de Méroé et leur civilisation ont disparu au IVe siècle. On en ignore les causes. A ce jour, la fin du royaume de Méroé reste un mystère.
Rushkild