Lisons un peu.
Voilà plusieurs années qu’à l’approche de l’été, quelques milliardaires américains suggèrent des listes de lectures. Bill Gates, Warren Buffet ou encore Barack Obama : des figures aussi politiques qu’économiques. Et d’autres stars s’y mettent, comme Sarah Jessica Parker ou encore Emma Watson.
En France, côté partis politiques, l’exercice ne semble intéresser que feu le Front national…
Pierre-Romain Thionnet, directeur du Rassemblement national jeunesse, a communiqué début août une liste d’ouvrages portés par ce slogan : «
Lire pour s’évader, lire pour se former. » Car outre les mesures que le RN expose afin qu’accèdent ses « idées au pouvoir », avant de les mettre en œuvres, le parti de Marine Le Pen a sélectionné une soixantaine d'ouvrages, déclinant Littérature, Histoire, mondialisation libérale, ou encore Nation, peuple et politique ou encore Identité et civilisation, Écologie et Société.
Et quoi qu’on en dise, la sélection se destine aux jeunes militants autant qu’à ceux désireux de s’encarter, tout en œuvrant à la dédiabolisation du mouvement. Pour preuve, le premier des choix n’est pas Mein Kampf, mais… Le Seigneur des Anneaux.
Des âmes en Pen...
Pour un parti qui défend le commerce de proximité contre les multinationales, le RN surfe maladroitement sur la vague : le lectorat est convié, pour une douzaine de ces recommandations, à chercher du côté de l’occasion pour s’abreuver de pages. De préférence sur internet, comme c’est le cas avec Pourquoi la Grèce de Jacqueline de Romilly dont on trouverait de « nombreux exemplaires d’occasion en ligne ».
Idem pour
Voyage au bout de la nuit, de Louis-Ferdinand Céline, qu’il serait préférable d’acheter sur la toile. Les opérateurs de l’occasion se frotteront les mains : pas de chance, les plus gros acteurs sont… étrangers. Précisons d’ailleurs que celui de Camus n’est pas dans la sélection.
Quant aux libraires, éditeurs et auteurs, et plus largement toute la chaîne du livre française, il faudra repasser : le RN joue-t-il la carte de l’écoresponsabilité et de la seconde main, contre la consommation et l’achat de titres neufs ? Habile, à plus d’un titre. Surtout quand, pour certains titres, on joue la carte du domaine public, donc de la disponibilité gratuite (et surtout légale), sur la toile…
Osons la curiosité...
Appelant le militant du RNJ à « se construire une vision du monde qui lui permet d’analyser l’actualité et les grands phénomènes de l’époque », son directeur national prêche « la curiosité intellectuelle », autant que « faire travailler son imaginaire et oser explorer de nouveaux horizons afin de mieux penser son action ».
Raison pour laquelle on retrouve Guérilla de Larent Obertone ou encore Le Camp des Saints de Jean Raspail.
Ce roman, un certain
Éric Zemmour se plaisait à le citer dès 2015 pour illustrer la théorique
Renaud Camus, chantre de la tolérance, avait développée en 2010 autour de la notion de Grand remplacement.
Paru voilà 50 ans, l’ouvrage dépeint l’arrivée massive de migrants du Tiers Monde sur la Côte d’Azur — sous couvert de fiction.
Pour le RN, il résonnerait avec la réalité actuelle ce qui lui aurait conféré un véritable succès, interrogeant la réponse et les sentiments du peuple français face à un afflux migratoire conséquent.
De fait, une réédition en février 2011 chez Robert Laffont a conduit à 66.386 ventes — sur l’année 2023, 1088 exemplaires ont encore trouvé preneur. Bon, quand après cela on tombe sur Sylvain Tesson, pas vraiment très très à gauche, on sourit presque.
https://actualitte.com/article/112972/e ... -fascistes