«Plus âgé et plus fou» : dans le Wisconsin, Barack Obama étrille Donald Trump au premier jour du vote anticipé
Dans l’Etat clé du Midwest, les bureaux de vote ont ouvert ce mardi 22 octobre. En meeting à Madison, Barack Obama et Tim Walz, le colistier de Kamala Harris, ont mis en garde contre les risques existentiels d’une nouvelle présidence Trump.
De son propre aveu, Linda Thompson a passé un «excellent» mardi. En début de matinée, cette démocrate de Madison, la capitale du Wisconsin, a promené Jack, son golden retriever, sur les bords du lac Monona et contemplé les feuilles orangées de l’automne – «ma saison préférée». A 11 heures pétantes, l’enseignante à la retraite s’est présentée à l’ouverture du bureau de vote installé dans la bibliothèque municipale de l’avenue Washington – et elle a voté pour Kamala Harris. Enfin, en début d’après-midi, Linda, 72 ans, a assisté au meeting du colistier démocrate, Tim Walz, et surtout de l’ancien président Barack Obama pour qui, murmure-t-elle comme si elle était la seule, elle a «toujours eu un petit faible».
«Espérons que le mardi 5 novembre sera tout aussi réjouissant», sourit la septuagénaire native du Minnesota voisin. Ce jour-là, les Américains éliront le successeur de Joe Biden à la Maison Blanche, et Linda peine à comprendre que la course puisse être si serrée, au niveau national comme dans le Wisconsin. «
J’aimerais tellement que les sondages se plantent et qu’une vague bleue engloutisse Trump pour de bon. Mon espoir, comme l’a dit Liz Cheney hier, c’est que dans le silence des urnes, des millions de conservateurs trouvent en eux le courage de voter démocrate, même s’ils ne l’admettront jamais publiquement.»
Ce ne sera pas le cas de Richard, la cinquantaine, qui préfère ne donner que son prénom. L’homme assume de voter pour Donald Trump, ce qui fait plutôt de lui une exception dans un comté qui a plébiscité Biden à plus de 75 % il y a quatre ans. «Propriétaire d’un petit business» – on n’en saura pas davantage –, ce père de famille au teint hâlé et au corps athlétique n’a jamais voté démocrate. Et n’a clairement pas l’intention de commencer cette année. Il parle éducation, avortement, on le devine religieux. Pour le reste, de sa bouche sortent des éléments de langage serinés par le candidat républicain – sur la «camarade Kamala» qui veut augmenter les impôts ou sur ces «immigrés violents qui ont envahi le pays par millions sous la présidence Biden et continueront si Harris lui succède».
«Il s’agit de qui nous sommes»
Josh White, 34 ans, gare son vélo devant la bibliothèque, retire son casque et enfile à la place une casquette camouflage «Harris Walz». Marié à une immigrée queer, l’homme à l’épaisse barbe rousse étrille la «lâcheté» de Donald Trump et ses sbires, qui «accusent de tous les maux de ce pays des minorités déjà marginalisées, fragiles et exploitées». Idéologiquement ancré à gauche, il porte d’ailleurs un tee-shirt Bernie Sanders sous sa chemise à carreaux, le conseiller en santé mentale a des réserves sur Kamala Harris, qui a plutôt passé sa campagne à courtiser les centristes. «Je n’apprécie pas du tout sa politique et celle de Biden au Proche-Orient, mais je reste convaincu qu’elle sera une meilleure présidente que Trump pour les Américains moyens», dit-il, citant les aides à l’accession à la propriété ou la lutte contre les prix abusifs, dont la vice-présidente promet de faire une priorité.
Quelques heures plus tard, sur la scène du Alliant Energy Center, Barack Obama semble se faire l’écho des propos de Josh. «Dans cette élection, il ne s’agit pas seulement de politiques. Il s’agit de qui nous sommes, de ce que nous défendons. Et la bonne nouvelle, Wisconsin, est que vous avez des candidats pour qui voter qui ont prouvé qu’ils avaient le caractère et la force nécessaires, qui donneront le bon exemple, qui feront ce qui est juste. Ils ne seront pas parfaits, ils ne résoudront pas tous vos problèmes, mais ils laisseront ce pays dans un meilleur état qu’ils ne l’ont trouvé. Voilà le choix qui s’offre à nous», s’époumone l’ancien président devant une foule survoltée.
Avant d’écouter les quarante minutes de discours d’un Barack Obama toujours aussi adulé, près de huit ans après son départ de la Maison Blanche, les milliers de spectateurs ont dû faire preuve de patience. Car quand la figure tutélaire du Parti démocrate arrive enfin, la foule est installée depuis plus de quatre heures. La faute au retard de l’ancien président, contraint d’improviser un trajet en voiture depuis Chicago après la détection en dernière minute d’une fuite d’huile sur son avion. Heureusement, le ban et l’arrière-ban démocrate local étaient prévus au casting pour chauffer la salle – congressman, maire, chef du parti, sénatrice du Wisconsin – jusqu’aux discours de Tim Walz et d’Obama. De quoi meubler l’attente.
«Comment osez-vous ?»
Sur scène, chacun prend donc son temps. Comme l’acteur Bradley Whitford (The West Wing, The Handmaid’s Tale), originaire de Madison, et dont le père dirigeait l’antenne locale de Planned Parenthood, le planning familial, dans le viseur de la droite religieuse depuis des décennies. Pendant vingt minutes d’un discours enflammé, frappant parfois le pupitre avec ses mains, il tient le public en haleine.
Point par point, sur l’avortement, les insultes, la désinformation, il étrille Donald Trump et ses acolytes. Parle aussi d’un membre trans de sa famille et fustige les assauts républicains contre leurs droits : «
Comment osez-vous cibler une communauté vulnérable de la sorte ? La quête de vie, de liberté et de bonheur des personnes transgenres n’a jamais empêché un seul Américain de poursuivre sa propre version de tout cela», enrage-t-il.
En ce premier jour de vote anticipé, Tim Walz et Barack Obama récitent ensuite la même partition, mêlant humour, attaques cinglantes contre Trump, incarnation du contraste avec Kamala Harris et exhortation à voter au plus vite et à convaincre les autres d’en faire autant. Tous deux mettent en garde contre un Donald Trump de plus en plus outrancier, menaçant, erratique. «Il ne s’agit pas du Donald Trump de 2016, mais d’une toute nouvelle version. Les conséquences de son retour au pouvoir sont extrêmement sérieuses», prévient le gouverneur du Minnesota. «
Nous n’avons pas besoin de voir à quoi ressemble un Donald Trump plus âgé, plus fou, sans garde-fou, conclut quant à lui l’ancien président. L’Amérique est prête à tourner la page. Nous sommes prêts pour une meilleure histoire.»
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