Dans une lettre qu'ils ont fait parvenir à leurs proches, Brahim Nejara et Fodil Tahar Aouidate évoquent des conditions de détention inhumaines. Condamnés à mort l'été dernier, ils attendent leur procès en appel, mais craignent d'être exécutés auparavant.
Source:Libération.
Ils font partie des onze jihadistes français que l’Irak a condamnés à mort en mai et juin 2019. Fodil Tahar Aouidate et Brahim Nejara ont écrit une lettre, qu’ils ont fait parvenir à leurs proches il y a quelques jours. Ils y décrivent des conditions de détentions inhumaines et disent subir, comme les autres prisonniers Français, des tortures et des pressions psychologiques : «Nous sommes confrontés aux menaces incessantes, verbales et physiques des miliciens qui travaillent dans cette prison [celle d’Al-Rosafa à Bagdad, ndlr]. […] Certains d’entre nous se sont fait torturer et humilier, la pression est tellement forte qu’il y en a parmi [nous] qui se sont isolés et se sont mis à parler tout seul, et que la mort leur est préférable au calvaire actuel.»
Même s’ils ont fait appel de la sentence infligée, les deux Français craignent d’être transférés dans une prison du sud de l’Irak, Nassiriya, pour y être exécutés : «La France ne nous veut pas et l’Irak a reçu l’ordre de nous assassiner dès que l’occasion se présentera. […] Nous avons rencontré le représentant de l’ambassade de France le 17 décembre et nous lui avons expliqué notre situation, il a répondu qu’il ne pouvait rien faire pour nous. […] Nous demandons à être transférés d’urgence dans un endroit sécurisé tenu par les Américains. Merci.»
Un transfert aux contours nébuleux:
Fodil Tahar Aouidate et Brahim Nejara, 33 ans tous les deux, sont des figures connues, et redoutées, de l’Etat islamique et du jihad français. Les deux sont apparus dans des vidéos saluant les attentats perpétrés le 13 novembre 2015 à Paris et Saint-Denis. Aouidate est également soupçonné d’avoir voulu organiser un attentat en France en 2013. Originaire de la région lyonnaise, Nejara a quant à lui participé à l’acheminement de plusieurs Français en Syrie et en Irak, selon les services de renseignement hexagonaux. Il est soupçonné d’avoir été membre d’une brigade de l’EI à laquelle ont appartenu plusieurs des terroristes du Bataclan.
Capturés en Syrie par les Forces démocratiques syriennes, une alliance kurdo-arabe, les deux Français ont été transférés en Irak avant d’y être condamnés à mort au printemps dernier. D’abord détenus dans la prison d’Al-Muthanna, ils ont ensuite été transférés dans celle d’Al-Rosafa, à Bagdad. Ils sont incarcérés dans des cellules de 60 à 70 prisonniers, où se mêlent jihadistes et détenus de droit commun. «La plupart des droits communs sont chiites, et détestent donc les Français qui étaient avec l’EI. Et les autres jihadistes les considèrent comme des renégats qui se sont rendus et ont trahi la cause. Je me demande si laisser dans une même cellule des gens qui se haïssent à ce point n’est pas un moyen à terme de les éliminer», dit un proche d’un Français incarcéré.
Risque sécuritaire:
Aucune date pour leur procès en appel n’a pour l’instant été fixée. «Nous n’avons aucune idée de quand il pourrait avoir lieu. Le service de protection des détenus [qui dépend du Quai d’Orsay] dit n’avoir aucune information. C’est d’autant plus difficile de savoir quoique ce soit que les avocats irakiens ont peur de se charger des cas français. Les rares qui acceptent le font uniquement pour soutirer de l’argent», poursuit le proche d’un détenu.
Les spécialistes continuent, eux, de pointer le risque sécuritaire à laisser des jihadistes français dans les prisons irakiennes. «Vu le niveau d’insécurité, et surtout de corruption, en Irak, les garder là-bas va à l’encontre des principes élémentaires de sécurité, explique Jean-Charles Brisard, directeur du Centre d’analyse du terrorisme. Ce sont des individus d’une grande dangerosité.»
https://www.liberation.fr/planete/2020/ ... ak_1774795