Sans le mouvement des Gilets jaunes, pas sûr que ces deux-là se seraient un jour parlé. Neuf mois après une première entrevue à Bourges en janvier, lors de l'acte 9, le manifestant breton Maxime Nicolle et la journaliste et essayiste de gauche radicale Aude Lancelin ont annoncé, ces derniers jours, leur collaboration professionnelle.
La seconde, partie au printemps avec fracas de la web-télé « Le Média », a choisi d'intégrer le premier à son nouveau projet, intitulé « QG » pour « Quartier Général ». Un recrutement qui suscite moqueries et circonspection sur les réseaux sociaux. Il faut dire que « Fly Rider », devenu une figure de la fronde pour ses diatribes antisystème et anti-médias via Facebook Live, est aussi régulièrement taxé de complotisme et/ou de fake news.
Enquêter sur le système « Macron 1er »:
Mais en quoi consistera concrètement le travail salarié de Maxime Nicolle? Contacté par le Parisien, l'ancien intérimaire indique qu'il effectuera à partir de la fin septembre des « reportages sur le terrain » et des « enquêtes ». « Je vais suivre le mouvement social auquel j'appartiens, les Gilets jaunes, mais aussi les dossiers de corruption d'Etat, de détournement de fonds publics, ou encore d'oubli de déclaration fiscale comme pour Nicole Belloubet ». Bref, tous les dossiers que les « médias mainstream » occultent, selon lui, pour ne pas gêner « Macron 1er ».
Également sollicitée par notre journal, Aude Lancelin n'utilise pas le terme de « journaliste ». Elle s'en tient à celui de « chroniqueur ». Et cela « pour l'émission "Quartier jaune" chargée de rendre compte de la lutte engagée depuis le 17 novembre 2018 ». L'avocat David Libeskind, en première ligne pour la défense des Gilets jaunes dans le cadre de soupçons de violences policières, interviendra lui aussi à ce titre. « L'un étant avocat, l'autre sortant du chômage, leurs contrats de travail seront évidemment différents », précise la rédactrice en chef de QG. Aucune information ne nous a en revanche été donnée sur la durée de la collaboration de Maxime Nicolle, seulement qu'elle serait « rémunérée au smic ».
Il compte demander une carte de presse:
Maintenant, une question reste en suspens. Le Gilet jaune pourra-t-il prétendre à la carte de presse, comme il l'a affirmé dimanche dans une vidéo? Pour rappel, ce sésame n'est en rien obligatoire pour exercer la profession de journaliste mais il s'avère très utile en reportage pour les accréditations.
Théoriquement, rien ne semble pouvoir l'empêcher d'en bénéficier. Contrairement au cas récemment médiatisé du journaliste et photographe militant Gaspard Glanz, qui n'est pas éligible en raison de son statut d'auteur, Maxime Nicolle semble répondre aux exigences. Au moins 50 % de ses revenus annuels devraient provenir de sa nouvelle activité. Sauf accident, le « néo-chroniqueur » devrait aussi pouvoir attester d'une production régulière pendant au moins trois mois. Quant à son casier judiciaire, il assure qu'il est vierge.
À ce stade, la Commission de la carte d'identité des journalistes professionnel (CCIJP) refuse évidemment de se prononcer. Si elle explique ne pas être une commission de déontologie, elle ajoute tout de même avoir les moyens de vérifier les activités de journaliste en plus des pièces fournies par le candidat.
« Quand on voit que Pascal Praud a le droit de s'exprimer… »:
En tout cas, la CCIJP est la seule instance à trancher dans ce dossier. Elle n'a pas besoin de l'assentiment de la Commission paritaire des publications et des agences de presse (CPPAP). Celle-ci délivre des certifications bien utiles pour fluidifier les procédures mais en rien indispensables.
À l'heure actuelle, le site nouveau d'Aude Lancelin n'apparaît pas dans la liste des services en ligne reconnus publiée par la CPPAP lors de sa mise à jour de juillet.
À quelques jours du début de sa nouvelle vie à Paris, auprès d'une équipe de journalistes détenant déjà cette carte de presse, le natif des Côtes-d'Armor n'en reste pas moins confiant. « Des gens sont très contents que le paysage médiatique change. Quand on voit qu'un mec comme Pascal Praud ( animateur sur CNews NDLR), qui est pseudo-journaliste, a le droit de s'exprimer dans l'espace public… ».
Source:Le Parisien.
http://www.leparisien.fr/culture-loisir ... 154051.php